Ce que doit signifier la libération de Marouane Barghouti
Par Jacques Cheminade
La situation internationale actuelle devient de plus en plus grave. Le Proche-Orient est l’un des lieux où le risque d’un affrontement qui pourrait embraser le monde est le plus grand et le plus immédiat.
C’est pourquoi les autorités israéliennes doivent immédiatement libérer sans conditions Marouane Barghouti, le seul dirigeant palestinien incontesté, et entamer en même temps des négociations avec le gouvernement syrien afin de mobiliser la région et, en particulier, créer les conditions pour que toute nouvelle aventure soit évitée au Liban. Le ministre israélien des Infrastructures, Benjamin Ben Eliezer, et l’ancien président du Parti travailliste, Amir Peretz, l’ont compris et ont demandé la libération de Barghouti.
Le signe serait ainsi donné par le gouvernement israélien qu’il recherche réellement la paix. Les conditions de celle-ci sont reconnues par tous les responsables de bonne foi :
- dialogue entre toutes les parties concernées. Le gouvernement israélien et le Hamas, en particulier, doivent négocier. On ne choisit pas qui l’on veut pour faire la paix, mais l’on définit en commun ce qui peut être acceptable pour tous, sans arrière-pensées ni calculs mesquins ;
- reconnaissance d’un Etat palestinien viable par Israël et de conditions de sécurité incontestables et garanties en faveur de l’Etat d’Israël ;
- évacuation par l’Etat d’Israël des « colonies » implantées en Cisjordanie, à l’exception d’un nombre extrêmement limité impliquant des contreparties territoriales, au sein des frontières de 1967 (ligne verte) ;
- renoncement par Israël à toute mesure d’Etat policier et renoncement par les dirigeants palestiniens à tout acte terroriste ;
- renoncement au principe systématique du retour des Palestiniens en Israël avec en contrepartie une aide massive des Israéliens à leur installation dans les territoires aujourd’hui occupés. En même temps, garantie pour la libre circulation des travailleurs palestiniens en Israël, sans blocages aux frontières ni discrimination sociale.
- Retour du Golan à la Syrie contre la reconnaissance par cette dernière du droit à l’existence et à la sécurité de l’Etat d’Israël ;
- reconnaissance par Israël de Jérusalem-est comme capitale de la Palestine et reconnaissance par les autorités palestiniennes de Jérusalem-ouest comme capitale d’Israël, la gestion des lieux saints se trouvant confiée aux autorités religieuses.
Ce sont là des conditions de fond, proches (ou compatibles avec elles) de celles définies par le « groupe de Genève » (Belin-Rabbo) en novembre 2003, par la déclaration du groupe des prisonniers palestiniens, y compris ceux du Hamas, et par les entretiens Ayalon-Nussebeih.
Cependant, ces conditions de fond ne sont pas suffisantes. Trois éléments supplémentaires sont nécessaires :
- Un plan de développement économique mutuel pour tout le Proche-Orient et, au-delà, pour toute l’Asie du Sud-Ouest doit être discuté, mis en place et garanti par les grandes puissances. La substance de cette paix sera de permettre aux deux parties de supporter les sacrifices consentis par l’assurance d’un futur meilleur. Avec le développement eurasiatique et panaméricain, cette mise en valeur de l’Asie du Sud-Ouest doit devenir la référence d’un nouvel ordre économique et monétaire international, d’un Nouveau Bretton Woods.
- Un dialogue entre les civilisations, les cultures et les religions, non pas sur les dogmes, mais sur la mise en commun du meilleur de chacun, à travers la formation et l’éducation de citoyens participant à l’aventure du développement mutuel. C’est ainsi que la paix de Westphalie, fondée sur l’avantage d’autrui, aurait dû être maintenue et élargie par des projets d’intérêt mutuel dont l’Académie des sciences de Colbert devait être le centre moteur. C’est la guerre entre religions, aboutissant à la révocation de l’Edit de Nantes par Louis XIV, qui détruisit les fondements de ce projet.
- Une politique résolument opposée à tout compromis avec les politiques de l’Empire britannique, ou de ses épigones, qui reposent sur le pillage financier, en divisant pour régner (juifs contre arabes, chiites contre sunnites, ashkénazes contre séfarades...). Le combat contre ce que représente cet empire dépasse de loin l’espace de l’Asie du Sud-Ouest et implique principalement la nature du pouvoir aux États-Unis. C’est pourquoi un retour de ce pays aux politiques de Franklin Delano Roosevelt, en rupture avec celles de l’empire britannique, sera le signe fondamental que l’abandon d’une logique de guerre perpétuelle devient possible. Le plan de Lyndon LaRouche pour la paix par le développement mutuel en Asie du Sud-Ouest porte cette espérance.
Marouane Barghouti, qui soutient une politique de justice et de concorde, anime lui aussi cette espérance du fait de sa culture à la fois arabo-musulmane, hébraïque et européenne. C’est pourquoi sa libération ouvrira la porte à ce qui paraîtrait autrement impossible, un développement mutuel se substituant à un état de conflit, mais qu’attendent depuis trop longtemps tous les peuples de la région et du monde.
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