Voici quelques textes extraits du site juif.org :
Le Rastafari, philosophie née en Jamaïque, s’inspire de la Bible. Ces adeptes se disent « enfants d’Israël », ils arborent étoiles de David, parlent de Sion, des douze tribus d’Israël et de l’Exode, symboles de liberté.
En novembre 2005, au Zénith à Paris, devant cinq mille personnes, le célèbre reggaeman Alpha Blondy interprétait son tube Jérusalem. « Baroukh ata Adonaï. Baroukh aba Yerushalaïm. Jérusalem, je t’aime… » Curieux endroit qu’un concert de reggae pour célébrer la Ville sainte. Et pourtant…
Alpha Blondy trouve son inspiration dans les principes du rastafari et dans la Bible. Il porte fièrement une étoile de David au poignet et transmet depuis vingt-cinq ans le message universel de la philosophie rasta tout droit venue de Jamaïque. « Les connexions entre le reggae, le rastafari et le judaïsme sont nombreuses et profondes. Bob Marley disait : “Les rastas sont une des douze tribus d’Israël éparpillées à travers le monde.” J’aime bien cette vision spirituelle », confie-t-il. Alpha Blondy, frère spirituel de Bob Marley, est le père du reggae africain. En 1985 sa quête de Dieu le mène en Terre sainte : « Jérusalem est un livre vivant. Elle a changé ma vision spirituelle. Voilà pourquoi j’ai souvent été taxé de “sioniste” alors que la politique ne m’intéresse pas. » Ses albums Jérusalem et Elohim symbolisent le mariage des cultures. Alpha Blondy chante l’amour dans le monde et en Israël où il rêve de donner un concert pour la paix. Dans son disque, Yitzhak Rabin, sorti en 1998, il pleure l’homme de l’entente perdue et chante la Ville éternelle : « Si Jérusalem se vidait de toute violence, elle serait encore plus sainte. La paix est un impératif. » Alpha Blondy prône une forme d’oecuménisme, dont la Torah, la Bible et le Coran ne seraient qu’un seul livre. « Dieu n’a pas de religion, chacun l’adore comme il veut. Il est un grand démocrate. » À l’image du rastafari, Alpha Blondy se veut universel et défend la solidarité entre Noirs et Juifs. « Pour avoir été frappés avec les même bâtons, des liens se sont créés. Le peuple juif est notre allié. Lui aussi a connu la morsure de l’injustice et de l’humiliation. » Le reggae, vecteur de la philosophie rasta, est fortement impregné des textes de la Torah et des Psaumes. Idéologi syncrétique née dans les années 1930, le rastafari s’est inventé sa propre identité en puisant à la fois dans ses racines africaines et dans la Bible. Ses adeptes se nomment eux-mêmes les enfants d’Israël. Il compte cinquante mille pratiquants en Jamaïque et plusieurs millions dans lemonde..
La révélation
Au début du XIXe siècle, Blancs et Noirs vivent séparés en Jamaïque et, malgré l’abolition de l’esclavage en 1834, la population noire vit dans des conditions déplorables. Le rastafari et la musique reggae vont s’enraciner dans ce terreau de pauvreté et de violence. Colonisés par les Anglais, privés d’histoire, acculturés et méprisés par l’Église catholique, les Noirs de Jamaïque sont peu à peu admis par l’Église baptiste, défenseur de la liberté religieuse. Après des siècles d’aliénation, les Noirs jamaïcains ont soudainement droit à une forme de culture et chantent le gospel. Hélène Lee, auteur du livre Le Premier Rasta (Flammarion), explique que « les Noirs sont frappés par la Bible où l’on raconte l’histoire d’un peuple esclave en Égypte, affranchi grâce à l’intervention divine. Pour eux, c’est une révélation ». Peuple d’anciens esclaves, les futurs rastas se reconnaissent naturellement dans le peuple d’Israël. Pour Abdoulaye Barro, fondateur de l’association JUAF (Juifs et Africains) et directeur de la revue Aleph Beth, « le peule juif est un modèle pour le peuple noir auquel il s’identifie. Les Noirs ont aussi pris une revanche. Les missionnaires évangélistes voulaient coloniser et asservir les esprits des Jamaïcains par la religion, mais les Noirs l’ont utilisée pour s’affranchir et inventer leur propre pensée. Le rastafari est juste un mouvement inspiré de la Bible, dont la portée est universelle et libératrice. »
La Bible de l’homme noir
À tous ceux qui rejettent l’« hypocrisie » des religions, le rastafari propose une alternative. Il remet en question la Bible occidentale et donne une interprétation radicalement différente de celle que leur imposaient les Blancs. Parmi les textes qui fondent la théologie rasta, la Holy Piby, publiée en 1924 aux États-Unis par le révérend Rogers. Cette « Bible de l’homme noir », inspirée de l’Ancien Testament, du Talmud et du Coran, rend aux Africains leur place dans l’Histoire. Cette vision afrocentriste réfute l’idée du Messie blanc imposée par les colons chrétiens. Les rastas s’inventent donc une théologie noire avec un Dieu à leur image.
Le reggae, crée par B. Marley, est le vecteur de la phillosophie Rastafi. Pour eux, « Samson était un dreadlocks / Le roi David était un dreadlocks / Moïse était un dreadlocks / Moïse a mené les autres dreadlocks hors d’Égypte / À une époque où le seul chauve était Pharaon », chante le reggaeman Dillinger. L’historien Cheikh Anta Diop publiera dans les années 1950 des recherches essentielles pour l’afrocentrisme. Selon lui, les pharaons étaient noirs, tout comme Moïse, marié à une princesse noire, et les Juifs. Focalisé sur un hypothétique retour en Afrique, le rastafari va se structurer autour de la prophétie de Marcus Mosiah Garvey. En 1929, ce jamaïcain militant prédit l’avènement sur le trône d’Éthiopie du jeune Ras Tafari Makonnen, connu sous le nom e Hailé Sélassié. « Il est bien le Messie noir annoncé, porteur de bonnes nouvelles pour la diaspora africaine. Il est leur rédempteur, celui qui les sauvera et les ramènera en Afrique », précise Abdoulaye Barro. Par le biais du rastafari, ce roi soude le peuple jamaïcain et les rastas deviennent une communauté à part entière. Pour eux, il est le descendant de Ménélik I, fruit des amours légendaires du roi Salomon et de la reine de Saba. « Jérusalem a une grande dimension spirituelle pour les rastas. C’est un symbole, confirme Alpha Blondy. Même s’ils n’ont jamais vu Israël, c’est gravé dans leur subconscient. » En plein éveil du rastafari, précise Hélène Lee, « on découvre en Éthiopie l’existence de Noirs qui pratiquent le judaïsme. L’histoire des Falashas accentue le mythe rasta et fascine ses adeptes ». Certains rastas vont même jusqu’à revendiquer leur judéité, bien qu’ Israël ne les reconnaît pas. Ils épousent le mythe des tribus perdues qui se seraient égarées dans des îles des Caraïbes, en passant par l’Éthiopie. Les rastas ont par ailleurs des rites proches des religions sémitiques : le porc et les crustacés sont interdits, les femmes se couvrent les cheveux, sont impures pendant leurs règles, et les hommes portent les dreadlocks, « une version afro des papillotes juives orthodoxes », selon une expression du journaliste Paul Moreira. Une coiffure souvent comparée à la crinière du lion sacré de Judas.
Proches du mouvement sioniste
Les rastas éprouvent aussi à cette époque une grande sympathie pour les sionistes. Nationalistes, ils se sentent proches de leur combat, « centré lui aussi sur une identité religieuse », explique Bruno Blum, auteur de Bob Marley, le reggae et les rastas (Hors collection). Mais les rastas situent leur Terre promise en Éthiopie, le berceau de l’humanité ; dans les Saintes Écritures, une terre de liberté qui n’a jamais été colonisée. Elle est symbole de résistance à Babylone, l’Angleterre coloniale, fille de l’impérialisme occidental. Babylone, cité biblique de toutes les perversions, symbolise l’ordre social oppressant pour lequel les rastas éprouvent une profonde aversion. Le « retour » en Éthiopie devient une obsession. À l’image des premiers habitants d’Eretz, ils veulent quitter Babylone pour rentrer dans le pays de Jah (un des noms hébreux de Dieu). C’est pourquoi, dés les années 1930, Marcus Mosiah Garvey va fonder une compagnie maritime, la Black Starline, pour rapatrier ses frères vers l’Afrique. Un rêve resté en suspens faute d’argent.« Cette démarche ressemble beaucoup à celle des sionistes avec l’odyssée de l’Exodus », poursuit Bruno Blum.
Proximité culturelle
Le rastafari, qui se veut universel, a su sortir des ghettos de Kingston grâce au reggae. En retour, il a fait de cette musique un véritable langage de paix, dans lequel chacun peut chanter Dieu, quelle que soit sa foi. Le chanteur américain Matisyahu, originaire de Brooklyn, à New York, a réussi un mariage inédit entre les cultures juive et rasta. Vêtu d’un costume hassidique traditionnel, Matthew Miller, de son vrai nom, chante la venue du Messie et la grâce divine à la manière de Bob Marley. C’est en étudiant dans une yéshiva en Israël que Matisyahu comprend les liens entre rastafari et judaïsme. « Il y a de nombreuses connexions culturelles. Les rastas descendent de Salomon et de la reine de Saba, c’est une tribu perdue, ils suivent les mêmes rites que nous, fondés sur l’Ancien Testament. Le reggae, c’est la musique des esclaves. » La culture rasta et le reggae l’ont aidé, dit-il, à redécouvrir ses racines juives et à renouer avec sa foi. « Ma musique sert à porter la parole de Dieu à travers le monde. » À New York, les religieux ont décidé de le soutenir malgré une vive polémique. Mais, là où le rastafari croit en Hailé Sélassié, Matisyahu célèbre Dieu et la reconstruction du troisième Temple. La plupart de ses textes sont en anglais, ponctués d’hébreu. Dans King without a Crown (Roi sans couronne), il implore avec force la venue du Messie. Le message de Dieu sur fond de musique reggae, comme un nouvel épisode dans la relation entre pensée juive et rasta. Entre inspiration réciproque et foi partagée.
Rebecca Assoun
Reggae phobie
Sexisme, racisme anti-Blancs et appels au meurtre des homosexuels… Aujourd’hui, certains chanteurs de reggae comme Capleton, Tony Rebel ou Sizzla prônent sans détour la violence dans leurs textes. Résultat ? Des concerts annulés l’été 2005 et un coup dur porté au message de paix chanté par Bob Marley. « On est loin du reggae tranquille, cool, lent, libérateur, hypnotique, raffiné et psychédélique des années 1970 », déplore Bruno Blum. Comment une musique de tolérance et de respect comme le reggae, inspirée par le rastafari, peut-elle servir de tremplin à la haine ? En Jamaïque, de nombreux artistes reggae s’inspirent des Bobo Ashanti, une communauté rasta rurale et marginale fondée en 1958. « Ces fondamentalistes prônent une vie rigoriste, vivent dans la nature et lisent la Bible tous les jours où ce violent délire homophobe prend racine », poursuit le spécialiste. Mais en Jamaïque « les rastas n’ont pas l’exclusivité des travers homophobes, machistes, bigots et parfois racistes. La population, très pieuse, est ignorante. Les gens vivent dans la misère et se réfugient dans la religion sans doute d’une mauvais manière ». L’homosexualité est passible de prison allant jusqu’à dix ans. En 2004, au moins trente homosexuels ont été assassinés. Toutefois, rappelle Bruno Blum, face à un message rasta dévoyé, « beaucoup de rastas, moins enfermés sur leur communauté et ses dogmes, souvent européens, dénoncent ces dérives qui risquent, à court terme, de discréditer toute la musique jamaïcaine et le rastafari
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