Hier, j'ai passé une bonne partie de la journée à écrire sur l'histoire du docteur Ezzedine Abu al-Aish (Libération du 19 janvier). Ses cris dans le téléphone portable du correspondant de la chaîne 10 de télévision israélienne me hantent encore :
Trois filles, une nièce et un frère, tués par un tir d'artillerie israélienne, une fille et une nièce blessées... Une tragédie emblématique de l'absurdité de ce conflit. Si encore Israéliens et Palestiniens pouvaient se haïr autant qu'ils veulent bien le dire, vivre séparés sur ce petit bout de terre en prétendant que les autres n'existent pas. Mais la réalité les rattrape sans cesse.
Bioéthique et dialogue judéo-chrétien
au menu des rabbins d’Europe
Réunis à Paris jusqu’au mercredi 4 mars 2009, les rabbins d’Europe ont échangé pendant deux jours leurs préoccupations autour de la bioéthique, de la famille et des relations avec l’Église catholique
Etats généraux de la bioéthique, affaire Williamson, voyage du pape en Terre sainte… autant de sujets brûlants sur lesquels la parole de la communauté juive était attendue. Les 300 rabbins d’Europe et d’Israël réunis mercredi 4 mars en séminaire à Paris sous la houlette du Centre rabbinique européen (RCE) n’ont pas manqué de commenter chacune de ces questions d’actualité. Un contexte sensible qui appelle une « parole sans langue de bois », selon Mendel Samama, attaché de presse du RCE, qui s’adressait hier à une poignée de journalistes dans le calme feutré d’un hôtel du Marais.
À en croire les rabbins présents, l’affaire Williamson était « le » dossier attendu de cette rencontre. Chacun a pu s’exprimer sur le cas de l’évêque intégriste négationniste. Sans doute parce que cela « touche au dialogue judéo-chrétien, qui est un enjeu majeur », a souligné Benjamin Jacobs, grand rabbin de Hollande, conscient que « les deux communautés souffrent de tels propos ». David Messas, grand rabbin de Paris, s’est voulu rassurant : « Nos relations sont extrêmement bonnes, a-t-il assuré. Depuis Vatican II, nous menons ensemble de nombreuses réunions, commissions… Nos liens ont fait d’extraordinaires progrès. »
S’il reconnaît que le pape « a raison » de rechercher l’unité de l’Église catholique, il conçoit aussi que les juifs aient diversement accueilli le fait qu’un négationniste puisse être réintégré. Tout en déplorant que Mgr Williamson n’ait pas exprimé une « vraie repentance », il salue les condamnations sans équivoque de Rome et de l’Église de France. Dès lors, pour lui, l’unique priorité est de « continuer à dialoguer », notamment sur « le terrain de l’action sociale ». Ce travail, a-t-il ajouté, « nous sommes toujours disposés à le faire » pour « aller de l’avant ». Et de glisser : « Ce n’est pas à nous, mais au pape, de clore cette affaire. »
Préoccupant, le constat dressé dans un autre registre par Yermia Cohen, président du tribunal rabbinique de Paris, le fut particulièrement : « Au-delà des résurgences négationnistes, nous observons un retour de l’antisémitisme. Certains partis européens demandent l’interdiction de l’abattage rituel – ce que les nazis avaient mis en œuvre pendant la Seconde Guerre mondiale. Plus inquiétant encore, en cette période de crise, certains commencent à accuser les juifs d’être à l’origine des problèmes financiers… » Pour lui, incontestablement, ces trois phénomènes « reviennent aujourd’hui » et méritent l’attention de tous, médias et opinion publique.
Au chapitre de la bioéthique, les rabbins ont souligné l’importance de proposer une « réponse à la fois pragmatique et éthique à une souffrance personnelle », qui puisse concilier le sens de l’humain et la fidélité aux textes religieux. À ce titre, le rabbin Benjamin David, consultant à l’Institut Pouah de Jérusalem (éthique et conseil à la procréation), a déploré une médecine souvent « déconnectée des valeurs humaines et de la foi ». Dans les communautés, chaque rabbin s’efforce de conseiller les familles, en s’inspirant des recommandations du Talmud, lorsque survient un dilemme médical.
Autre dimension centrale de ce séminaire, plus interne : l’état de la communauté juive en Europe et la réflexion autour de « la famille juive dans tous ses états », thème des échanges. Avec 600 000 membres en France, 200 000 en Grande-Bretagne ou encore 50 000 en Italie, celle-ci se retrouve parfois confrontée au problème de « l’assimilation », qui contribue à éroder la pratique religieuse.
Pour les rabbins, la lutte contre ce phénomène est devenue une « cause majeure » et ils estiment que, « pour garder les fidèles au sein du cadre communautaire, il faut développer de nouvelles approches ». Ils se félicitent toutefois du nombre de conversions au judaïsme (sans citer de chiffres), relevant qu’elles sont souvent le fait de personnes issues d’un couple mixte – père juif, mère non juive – souhaitant se rapprocher de la religion de leurs ancêtres, qui se transmet par la mère.
Enfin, signe des temps, la communauté juive n’échappe pas au fléau du divorce, constate Élie Dahan, rabbin de Lille et du Nord : « Nous marions les gens de plus en plus tardivement. À un âge avancé, on est moins à même de vivre avec les défauts de l’autre. Voici un enjeu majeur : essayer de penser un avenir pour la famille et de construire des projets de couple cohérents. »
François-Xavier MAIGRE |
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