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20 janvier 2009 2 20 /01 /janvier /2009 11:39

 






Un Palestinien entre deux mondes


Hier, j'ai passé une bonne partie de la journée à écrire sur l'histoire du docteur Ezzedine Abu al-Aish (Libération du 19 janvier). Ses cris dans le téléphone portable du correspondant de la chaîne 10 de télévision israélienne me hantent encore :


Trois filles, une nièce et un frère, tués par un tir d'artillerie israélienne, une fille et une nièce blessées... Une tragédie emblématique de l'absurdité de ce conflit. Si encore Israéliens et Palestiniens pouvaient se haïr autant qu'ils veulent bien le dire, vivre séparés sur ce petit bout de terre en prétendant que les autres n'existent pas.
Mais la réalité les rattrape sans cesse.


Ezzedine Abu al-Aish est certes un cas rare, un Palestinien entre les "deux mondes" comme il se définit lui-même, entouré d'amis et de collègues israéliens tout en vivant à Gaza. Mais l'imbrication des deux peuples, et leur proximité souvent, sont des réalités tangibles. "Shlomi, viens vite, viens, viens!" , hurle le docteur palestinien dans le combiné du journaliste israélien. Shlomi Eldar tente de garder une contenance mais son visage se décompose lentement. Il quitte le plateau. Plus tard, Ezzedine Abu al-Aish  racontera sa vie dévastée depuis l'hôpital Tel Hashomer, près de Tel-Aviv. Sa fille grièvement blessée à l'oeil y est soignée par des Israéliens, ses collègues. Certains d'entre eux avaient sûrement, ou ont encore, des fils mobilisés à Gaza.


 
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http://www.juif.org/go-blogs-12524.php




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2 décembre 2008 2 02 /12 /décembre /2008 10:12
Mardi 2 décembre 2008

Depuis le 28 novembre et jusqu’au 8 décembre, nos frères musulmans vivent une période très importante : les 10 premiers jours du moi sacré de Dhul-Hijjah. Cette période s’achève par le Hajj (pèlerinage à la Kaaba, temple érigé par Abraham - le 6 décembre) et la fête de l'Aid el Adha deux jours plus tard (le 8 décembre). Durant cette période, les musulmans pieux s’efforcent d’intensifier leur piété et leur vie spirituelle.





Dhul-Hijjah



Je souhaite à tous mes frères et soeurs de l’islam
un mois de Dhul Hijja riche de bénédictions spirituelles !
Que leur piété intensifiée nourrisse leur amour pour toute l’humanité,
leur quête de bonté, de justice, de pardon, de misericorde et leur participation à la venue d’un monde meilleur !


Puisse la perfection d’Abraham-Ibrahim
dans la confiance et le don
devenir la nôtre !
Puisse le souvenir vivant d'Abraham-Ibrahim,
notre père à tous, l’ami de Dieu,
nous inciter toujours plus à nous entraider dans le bien
et à nous rassembler au-delà de nos divisions
dans une même volonté de servir le bonheur de l’humanité !
Amen! Amin !






L’Aid al-Adha (Fête du Sacrifice), appelée aussi l'Aid El Kebir, (la grande fête), est la plus importante fête de l'islam. Durant cette fête, les musulmans font mémoire de l’obéissance d’Abraham à qui Dieu demanda de sacrifier son fils afin de mettre sa foi à l’épreuve. Au dernier moment Dieu arrêta la main d’Abraham et substitua miraculeusement un bélier au fils qui allait être immolé. Pour commémorer cette soumission totale d'Abraham à Dieu, chaque famille, dans la mesure de ses moyens, sacrifie traditionnellement un mouton ou un bélier qui sera partagé entre tous. Il est également possible de remplacer le sacrifice par un don à une œuvre de solidarité. L’esprit du sacrifice se distingue clairement de tout rituel païen. Dieu, indique le Coran, n'a nul besoin de chair et de sang: «Ni leurs chairs, ni leurs sangs n'atteindront Dieu. Mais ce qui L'atteint venant de vous, c'est votre piété.» (Coran, 22, 37).




Sur le plan spirituel la célébration du sacrifice d’Abraham exprime l'engagement et la détermination du croyant à sacrifier son ego et ses passions, à renoncer à lui-même pour se rapprocher de Dieu, mais aussi à sacrifier concrètement ses biens et son confort au service d’un idéal de partage, notamment en donnant de la nourriture aux nécessiteux. Plus globalement, le sacrifice d’Abraham représente la perfection de l’abandon confiant et total à Dieu (islam).




Le sacrifice d'Abraham dans la Parole


Après ces choses, Dieu mit Abraham à l'épreuve, et lui dit : Abraham ! Et il répondit : Me voici ! Dieu dit : Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac ; va-t'en au pays de Morija, et là offre-le en holocauste sur l'une des montagnes que je te dirai. Abraham se leva de bon matin, sella son âne, et prit avec lui deux serviteurs et son fils Isaac. Il fendit du bois pour l'holocauste, et partit pour aller au lieu que Dieu lui avait dit. Le troisième jour, Abraham, levant les yeux, vit le lieu de loin. Et Abraham dit à ses serviteurs : Restez ici avec l'âne ; moi et le jeune homme, nous irons jusque-là pour adorer, et nous reviendrons auprès de vous. Abraham prit le bois pour l'holocauste, le chargea sur son fils Isaac, et porta dans sa main le feu et le couteau. Et ils marchèrent tous deux ensemble. Alors Isaac, parlant à Abraham, son père, dit : Mon père ! Et il répondit : Me voici, mon fils ! Isaac reprit : Voici le feu et le bois ; mais où est l'agneau pour l'holocauste ? Abraham répondit : Mon fils, Dieu se pourvoira lui-même de l'agneau pour l'holocauste. Et ils marchèrent tous deux ensemble. Lorsqu'ils furent arrivés au lieu que Dieu lui avait dit, Abraham y éleva un autel, et rangea le bois. Il lia son fils Isaac, et le mit sur l'autel, par-dessus le bois. Puis Abraham étendit la main, et prit le couteau, pour égorger son fils. Alors l'ange de l'Éternel l'appela des cieux, et dit : Abraham ! Abraham ! Et il répondit : Me voici ! L'ange dit : N'avance pas ta main sur l'enfant, et ne lui fais rien ; car je sais maintenant que tu crains Dieu, et que tu ne m'as pas refusé ton fils, ton unique. Abraham leva les yeux, et vit derrière lui un bélier retenu dans un buisson par les cornes ; et Abraham alla prendre le bélier, et l'offrit en holocauste à la place de son fils.


Abraham donna à ce lieu le nom deYHWH Jiré. C'est pourquoi l'on dit aujourd'hui : A la montagne de l'Éternel il sera pourvu. L'ange de l'Éternel appela une seconde fois Abraham des cieux, et dit : Je le jure par moi-même, parole de l'Éternel ! parce que tu as fais cela, et que tu n'as pas refusé ton fils, ton unique, je te bénirai et je multiplierai ta postérité, comme les étoiles du ciel et comme le sable qui est sur le bord de la mer ; et ta postérité possédera la porte de ses ennemis. Toutes les nations de la terre seront bénies en ta postérité, parce que tu as obéi à ma voix. (Bible, Genèse chapitre 22, 1 à 12)





Et il (Abraham-Ibrahim) dit: ‹Moi, je pars vers mon Seigneur et Il me guidera. Seigneur, fais-moi don d'une [progéniture] d'entre les vertueux›. Nous lui fîmes donc la bonne annonce d'un garçon longanime. Puis quand celui-ci fut en âge de l'accompagner, [Abraham] dit: ‹Ô mon fils, je me vois en songe en train de t'immoler. Vois donc ce que tu en penses›. Il dit: ‹Ô mon cher père, fais ce qui t'es commandé: tu me trouveras, s'il plaît à Dieu, du nombre des endurants›. Puis quand tous deux se furent soumis (à la volonté de Dieu) et qu'il l'eut jeté sur le front, voilà que Nous l'appelâmes ‹Abraham! Tu as confirmé la vision. C'est ainsi que Nous récompensons les bienfaisants›. C'était là certes, l'épreuve manifeste. Et Nous le rachetâmes par une immolation généreuse. Et Nous perpétuâmes son renom dans la postérité: ‹Paix sur Abraham›. Ainsi récompensons-Nous les bienfaisants; car il était de Nos serviteurs croyants. Nous lui fîmes la bonne annonce d'Isaac comme prophète d'entre les gens vertueux. Et Nous le bénîmes ainsi que Isaac. Parmi leurs descendances il y a [l'homme] de bien et celui qui est manifestement injuste envers lui-même. (Coran, 37, 99 à 113)




« Abraham est notre père commun…le sacrifice de son fils, arrêté au dernier moment par l'ordre express de Dieu, fut proposé à ses descendants spirituels, juifs, chrétiens et musulmans, afin de transformer la violence explicite des sacrifices humains en symbole d'un combat intérieur visant à arracher la racine même de la violence…Pourtant la plupart des descendant d'Abraham semblent avoir oublié le fond du combat spirituel le plus noble, celui contre soi-même. Ils se battent surtout entre eux pour revendiquer l'honneur exclusif de descendre en ligne directe de la victime sacrificielle… » (Guiderdoni)



Alors que nos frères de l’islam s’acheminent vers le pèlerinage et l'Aid el Adha,
Je présente tous mes vœux fraternels aux enfants d’Abraham !

 Commémoration d'Abraham, père des croyants

http://le-jardin.over-blog.net/article-25363341.html

En toute fraternité
Thierry

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16 octobre 2008 4 16 /10 /octobre /2008 22:38





INSUFFISANCES DU MATÉRIALISME ÉCONOMIQUE

Beaucoup de Français éprouvent un sentiment de lassitude à l'égard des idéologies sans fondement solide qui réclament leur adhésion; ils sentent le besoin de se rattacher à des points fixes, à des repères immuables; ils en viennent à mettre en question l'élément central commun aux idéologies qui leur sont proposées : le matérialisme économique; ils sentent qu'il faut d'autres critères que la croissance du P.I.B. (produit intérieur brut) pour définir une bonne politique; ils sentent que la société doit être ordonnée autrement qu'en fonction des seuls besoins de l'économie; qu'elle doit l'être en fonction d'une certaine hiérarchie des valeurs, en fonction de certains principes.

 

Hiérarchie des valeurs tenant compte d'autres valeurs que de celles qui  sont purement économiques;  principes  stables d'organisation sociale : la pensée s'achemine ainsi vers la notion de doctrine sociale.

 

QU'EST-CE QU'UNE DOCTRINE SOCIALE ?

• Le dictionnaire Le Robert définit le mot «doctrine» : «Ensemble de notions qu'on affirme être vraies, et par lesquelles on prétend fournir une interprétation des faits, orienter ou diriger l'action».

A l'idée de doctrine est associée par conséquent l'idée d'ensemble, de synthèse.

Une doctrine sociale sera ainsi un ensemble d'explications rendant compte ou prétendant rendre compte de tous les aspects de la vie sociale de l'homme sur terre.

• Une deuxième idée - non mise en évidence par Le Robert – se rattache au mot «doctrine» : idée de permanence et d'universalité. Une doctrine est un ensemble de notions stables dans le temps et dans l'espace, valables pour toutes les époques et pour tous les hommes.

Un système sociopolitique méritera donc le nom de doctrine sociale s'il est suffisamment synthétique, stable et universel, s'il se présente vraiment comme une synthèse expliquant la destinée de l'homme en tant qu'être social et donnant à son activité un cadre et des normes.

OÙ TROUVER UNE DOCTRINE SOCIALE DIGNE DE CE NOM ?

Étant donnée cette définition, on pourrait penser que toutes les  grandes religions, que tous les partis politiques soucieux d'une certaine cohérence possèdent leurs propres doctrines sociales et les considèrent comme obligatoires pour leurs adeptes. Il n'en est rien


Les religions non-catholiques - sauf le judaïsme et l'islam –n’ont, en fait de doctrine sociale, que des éléments si notoirement insuffisants qu'on ne peut guère parler de doctrine à leur sujet. (NB Eva : Que pourrait-on bâtir ensemble sur les valeurs communes ?)



Quant aux organisations politiques - exception faite de la franc-maçonnerie et du parti communiste - elles proposent des recettes en matière sociale et politique, mais rien qui ait le caractère d'une doctrine sociale au sens qui vient d'être défini; elles expliquent comment restreindre le chômage, réformer les municipalités accroître les exportations, organiser le crédit, assurer la stabilité monétaire... Dans tout cela, il n'y a pas à proprement parler de doctrine faute d'une vue synthétique des choses; ou bien si l'on croît y découvrir une synthèse, elle se rattache inévitablement soit à la conception marxiste, soit à la conception maçonnique, soit à un mélange des deux (tel est le cas des socialistes français) (
[1]).

Ainsi, en dehors de la doctrine sociale de l'Église catholique, on ne trouve guère, comme systèmes méritant plus ou moins le nom de doctrine sociale, que ceux qui se rattachent au coran, au talmud, ou aux idéologies maçonnique ou marxiste.

Nous n'allons pas faire ici la critique de ces systèmes. Qu'il suffise de rappeler qu'aucun d'entre eux ne respecte la loi naturelle; le coran et le talmud ont amputé celle-ci d'une partie de ses commandements codifiés dans le décalogue; et dans les idéologies maçonniques et marxistes, la notion même de loi morale immuable et universelle a disparu.

De ce fait, quand nos contemporains sentent le besoin d'établir une hiérarchie des valeurs dans la société et d'y faire respecter un certain sens de la dignité de l'homme, ils sont bien en peine de trouver une doctrine sociale répondant à leur requête à moins qu'ils ne se tournent vers celle de l'Église.

 

UNE DOCTRINE UNIQUE EN SON GENRE

L'Église est donc le seul corps social à présenter avec autorité une doctrine sociale cohérente et respectant intégralement la loi naturelle. A lui seul, ce fait constitue un puissant argument d'apologétique en faveur du catholicisme.

 

UNE DOCTRINE QUI REVIENT EN FORCE

Jean-Paul II, plus que ses prédécesseurs immédiats, a consacré de grands efforts à faire connaître la doctrine sociale et à en montrer l'importance :

«La "nouvelle évangélisation" dont le monde moderne a un urgent besoin  (...) doit compter parmi ses éléments essentiels l'annonce de la doctrine sociale de l'Église,  apte, aujourd'hui comme sous Léon XIII, à indiquer le bon chemin pour répondre aux grands défis du temps présent, dans un contexte de discrédit croissant des idéologies. Comme à cette époque, il faut répéter qu'il n'existe pas de véritable solution de la "question sociale"  hors de l'Évangile  et que, d'autre part, les "choses nouvelles" peuvent trouver en lui leur espace de vérité et la qualification morale qui convient».

(Encyclique Centesimus annus du 1er mai 1991, § 5)

 

On comprend que des groupes extérieurs à l'Église aient pu parler de «retour en force» de la doctrine sociale, comme en témoigne cette remarque du Centre patronal de Lausanne ([2]) dans sa revue Études et Enquêtes :

«La publication par Jean-Paul II de l'encyclique Centesimus annus, à l'occasion du centième anniversaire de Rerum novarum, confirme le retour en force de la doctrine sociale de l'Église catholique après l'éclipse subie au lendemain de Vatican II, Il faut reconnaître que le rejusqu'à l'avènement du pape venu de l'Est» ([3])

UNE DOCTRINE DONT L'ENSEIGNEMENT CONNAIT UNE CERTAINE CRISE

Il faut reconnaître que le retour en force de la doctrine sociale s'accompagne d'une certaine crise dans son enseignement.

suite à

http://www.salve-regina.com/Chretiente/Doctrine_sociale_de_lassus.htm

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13 septembre 2008 6 13 /09 /septembre /2008 17:28

13/09/08


Le Pape en France. Religions du Livre.
Les racines culturelles de l'Europe,
par Luc Collès

 

Le voyage du Pape en France est l'occasion d'évoquer "les héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe".

 

Cet article présente des arguments en faveur d'une explicitation des héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe, qui fondent les valeurs que celle-ci entend promouvoir. En reconnaissant en particulier sa dette culturelle à l'égard des trois religions du Livre, l'Europe, qui se réclame de son expérience historique pour développer chez elle un espace multiculturel et multilatéral, manifesterait son approche sereine du passé et sa conviction que la connaissance de celui-ci n'hypothèque en rien l'avenir. En outre, en affirmant que les trois religions du Livre sont constitutives de la culture européenne, elle exprimerait son souhait que, à titre programmatique, on se préoccupe davantage de l'inculture des jeunes, due en partie à l'ignorance des traditions religieuses, pour que, prenant conscience de la richesse de notre héritage, chacun puisse se l'approprier individuellement et collectivement dans un esprit d'ouverture à l'altérité.

En visite officielle à Rome l'hiver dernier, Nicolas Sarkozy avait insisté sur les racines chrétiennes de la France. Son attitude avait suscité beaucoup de critiques du côté laïque. La visite du pape Benoît XVI ce week-end et son plaidoyer pour une laïcité ouverte ranime le débat sur la laïcité. Certains réaffirment l'idée selon laquelle toute référence à une religion serait en contradiction avec des législations nationales qui prévoient la séparation des Etats et des confessions.

Attitude surprenante dans un pays, la France, où, en 1996, la réforme décidée par le ministre de l'Education nationale, François Bayrou, engageait l'introduction de la culture religieuse dans les programmes du collège et du lycée. Deux objectifs étaient alors particulièrement visés : un meilleur accès au patrimoine culturel européen et une prise en compte de l'aspect multiculturel et religieux de la société française. De même, en novembre 2001, le ministre de l'Education nationale, Jack Lang, sollicitait le philosophe Régis Debray pour la rédaction d'un rapport sur L'enseignement du fait religieux dans l'école laïque. A la base de ces préoccupations, il y avait un constat navrant : aujourd'hui, l'inculture religieuse des jeunes est telle que des pans entiers de notre patrimoine ne sont plus reconnus, décodés, compris. Ainsi voit-on des enfants confondre une Vierge de Botticelli avec une simple " meuf ".

Contre toute forme d'amnésie, je souhaiterais rappeler que les héritages de l'Europe ont été d'abord nourris par les civilisations grecque et romaine, ensuite marqués par les religions du Livre et par les courants philosophiques des Lumières et du Romantisme. Car il me paraît essentiel d'ancrer les valeurs que l'Europe prétend défendre dans le terreau fertile de l'histoire qui les a constituées, une histoire dont on ne saurait sélectionner les données pour gérer le présent et pour construire l'avenir.

Il ne s'agit donc pas de vouloir se référer à une transcendance, ce qui " correspond à la manière philosophique de concevoir un 'Absolu' immatériel et transcendant, 'délié' des contingences de l'histoire ", représentation qui, selon Philippe Bacq (« Nommer Dieu ? » dans La Revue Nouvelle de février 2003), serait sous-jacente à la requête des Eglises et qui conduirait à l'exclusion de la différence dans une société sécularisée. Il s'agit plutôt d'évoquer brièvement les événements historiques qui ont contribué à forger la culture et les valeurs européennes et qui déterminent aujourd'hui un espace de significations marqué par le pluralisme.

Rappelons d'abord l'importance de la connaissance du passé pour comprendre les civilisations et le système de valeurs et de références qu'elles développent. Comme le faisait remarquer une de mes collègues, Clémentine Faïk-Nzuji, à propos de l'Afrique, " si nous admettons que le thérapeute remonte à la petite enfance du patient pour y déceler les causes de ses traumatismes, nous devrions de même admettre que pour une société humaine, c'est dans son histoire, qui couvre plusieurs générations, qu'il faut rechercher les causes de ses déséquilibres " et  j'ajouterai " de ses réussites ". Une telle connaissance doit donc être aussi complète que possible et porter aussi bien sur les zones d'ombre que sur les zones de lumière. Les exemples qui illustrent ce type de démarche ne manquent pas. Ainsi, l'Allemagne a accepté de revisiter son passé et de faire contrition pour les crimes commis sous le nazisme, ce qui en a fait un partenaire honorable et honoré de l'aventure européenne. La connaissance du passé tel qu'il est devient de cette manière un facteur d'apaisement, pourvu toutefois qu'elle s'établisse dans des conditions sereines : il ne convient pas que le thérapeute se transforme en justicier et accable son patient de reproches au moment où celui-ci accepte de se confronter à sa fragilité ! C'est pourquoi on comprend mal la dérision dont ont parfois fait l'objet les actes de repentance exprimés par le pape Jean-Paul II à l'égard du peuple juif, des protestants et des scientifiques symbolisés par Galilée, alors que, par ce biais, l'Eglise catholique admettait n'avoir pas été toujours à la hauteur des valeurs dont elle s'affirmait dépositaire.

En second lieu, il importe de souligner que, nonobstant l'usage ou, en l'occurrence, le non-usage, qui en est fait, l'histoire n'est pas vouée au service de la morale - les " leçons de l'histoire " sont rarement écoutées -, à l'édification du Prince ou à la promotion des idéologies et des intérêts; elle ne doit pas être confondue avec les reconstructions de la mémoire qui entretiennent avec le passé une relation affective et militante et il ne lui revient pas de sélectionner dans le passé qu'elle reconstitue les éléments dont la signification sera revue en fonction des exigences du temps présent. Au contraire, l'histoire se veut responsable d'un savoir " scientifique ", c'est-à-dire universellement acceptable, dans la mesure où elle est régie par " la possibilité d'établir un ensemble de règles permettant de contrôler des opérations proportionnées à la production d'objets déterminés ", pour reprendre les termes de Michel de Certeau. Elle est en même temps consciente des limites de son objectivité : les choix de l'historien pèsent inévitablement sur la définition de la matière à analyser, sur les critères utilisés, sur les interprétations qui sont avancées ; aussi peut-on affirmer avec Alexandre Faivre que " l'objectivité en histoire est le fruit d'intersubjectivités partagées, corrigées et rectifiées ".

Le rôle des religions du Livre dans l'élaboration de valeurs fondatrices de l'Europe - importance de l'individu, égalité, justice, mise à distance du sacrifice -, fait partie de l'histoire de l'Europe, comme en font partie la Renaissance, qui, à travers une relecture des auteurs antiques, a distingué les domaines du sacré et du profane, et les Lumières qui ont laïcisé les valeurs d'égalité des personnes, de liberté, de respect de la raison, de justice. Ces étapes de notre cheminement méritent dès lors d'être reconnues, car elles n'impliquent aucune restauration d'un ordre ancien. L'évocation de la valeur patrimoniale des trois religions du livre ne constitue en rien une apologie de celles-ci. En revanche, l'identité européenne n'est pas compréhensible si on ne tient pas compte de la révélation monothéiste qui se produisit au Moyen Orient. Les religions révélées n'ont pas cessé de diffuser en Europe la foi dans le Créateur et, parallèlement, ont agi comme un ferment civilisateur. Elles ont ainsi contribué à la naissance de cultures très riches dans chacune des nations européennes où elle ont été présentes. Dans sa Grammaire des Civilisations, Fernand Braudel a bien montré que le christianisme a été et reste une des composantes majeures de la pensée européenne, et même de la pensée rationaliste qui s'est constituée contre lui et à partir de lui. Athée, un Européen est encore tributaire d'une éthique et de comportements psychiques puissamment enracinés dans une tradition chrétienne.

Largement diffusé dans l'Empire romain, le christianisme en est devenu la religion officielle trois siècles après la naissance du Christ. Au moment des grandes migrations germaniques des IVe-VIIIe siècles, il s'affirme comme la civilisation du monde antique qu'il a assumée. Du Xe au XIIIe siècle, l'Eglise entière est entraînée par un mouvement puissant qui est aussi celui de la poussée économique, de la montée sociale d'une Europe active. Après la guerre de Cent Ans, qui a constitué un repli brutal sur tous les plans, les XVIe et XVIIe siècles vont vivre sous le signe de passions religieuses et de querelles spirituelles. Au XVIIIe siècle, l'élan matériel accompagne un mouvement scientifique et philosophique qui se dresse contre l'Eglise, au nom du progrès et de la raison.

Mais, même à partir de ce moment, la pensée européenne ne se conçoit que dans le cadre d'un dialogue avec le christianisme. Cette perspective est essentielle pour la compréhension de l'humanisme, aspect fondamental de la civilisation occidentale. Orientée à la fois vers l'étude et l'action, cette forme d'éthique exalte la grandeur du génie humain et la puissance de ses créations. Dès ce moment, la foi éventuelle doit s'accommoder de la confiance en l'homme. La Renaissance s'écarte du christianisme du Moyen Age en ce sens que, désormais, c'est sur la terre que l'homme doit organiser son royaume. Pour reprendre les termes de Nietzsche, cette conviction nouvelle préside à la mise en place de toutes les forces positives de la culture moderne : libération de la pensée, victoire de la formation intellectuelle sur le privilège de la naissance, enthousiasme pour la science, délivrance de l'individu.

C'est dans ce climat que la Réforme s'oriente vers le droit au libre examen et la critique historique des textes sacrés. C'est aussi l'esprit humaniste qui est à la base de la Révolution française, la seule à avoir eu un sens européen et mondial, avant la Révolution russe de 1917. Aujourd'hui encore, cet humanisme donne à l'Européen une attitude d'ouverture à l'universel avec une vision intégrale de l'homme dans un climat de liberté et de coopération entre créateurs, qu'il s'agisse de responsables religieux, d'artistes, de chercheurs scientifiques, d'artisans ou de simples citoyens. Pour les chrétiens, cet humanisme n'est nullement incompatible avec leur foi puisque c'est en raison du fait qu'il a été créé à l'image de Dieu que l'homme est appelé à transcender l'univers en devenant créateur à son tour.

De même, le judaïsme n'est pas seulement une religion, c'est aussi une culture. Les juifs, notamment en Allemagne, ne restèrent pas indifférents à l'humanisme et à la Réforme ; en Italie, ils participèrent à la Renaissance. Spinoza et certains marranes remirent en cause l'édifice du judaïsme rabbinique. C'est sur cet arrière-plan de crise que le judaïsme européen allait voir le jour, sous la houlette de Mendelssohn. Le judaïsme est devenu une religion d'Europe après avoir reçu le legs spirituel et intellectuel de l'hellénisme ; il put, dans ces conditions, maintenir et développer sa tradition philosophique médiévale jusqu'à l'époque moderne.

Quant à l'islam, c'est par une révolution culturelle qu'il a pénétré en Europe. L'Espagne du IXe au XIIIe siècle a pu réaliser la féconde symbiose des trois cultures : juive, chrétienne et musulmane. A l'université de Cordoue s'élabora, pour toute l'Europe, la science moderne, expérimentale et mathématique. Alain de Libera (Le monde diplomatique, juillet 2002) a souligné l'occultation des sources arabes de la pensée européenne, qui, selon lui, est l'effet d'un discours xénophobe qui cherche à faire croire que les Arabes ont été, sont et seront toujours étrangers à l'Occident : " Ce qui n'est jamais entré dans la culture occidentale latine ou chrétienne et qui reste scolairement et socialement occulté, c'est, par exemple, la philosophie politique, le laïcisme, le rationalisme réformateur de l'islam et de la pensée arabo-musulmane, dont les ancêtres sont, pourtant, des penseurs de l'Andalousie médiévale, comme Ibn Badjdja (Avempace), Ibn Toufayl (Aboubacer) ou Ibn Rouchd (Averroès) ». Si l'on souhaite construire " une société sécularisée, pluraliste, dans laquelle on déploierait une référence, non pas à une transcendance, mais à l'apport des religions, comme quelque chose d'ouvert et d'inachevé " il s'agit de reconnaître la place de l'islam non seulement dans l'histoire de l'Europe occidentale, mais aussi dans celle des Balkans, partie intégrante de l'empire ottoman du XVIe au XIXe siècle..

En définitive, si je souhaite que les religions du Livre soient explicitement reconnues comme constitutives de la culture européenne, c'est pour que, à titre programmatique, on se préoccupe davantage de l'analphabétisme religieux des jeunes, mais aussi et surtout pour prévenir tout retour aux utopies rêvant " d'hommes nouveaux " privés de racines, ethttp://alainindependant.canalblog.com/archives/2008/09/13/10564274.html.

Luc Collès -UCL et IFER de Dijon

http://alainindependant.canalblog.com/archives/2008/09/13/10564274.html

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