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27 octobre 2008 1 27 /10 /octobre /2008 05:42




Vatican

Le Synode des évêques veut poursuivre
le dialogue avec les Juifs et les Musulmans

Article publié le 26/10/2008 Dernière mise à jour le 26/10/2008 à 15:38 TU

Mieux faire connaître la Bible aux fidèles catholiques, c'était l'objectif principal du synode qui vient de se tenir au Vatican.

Parmi les principales propositions suggérées à Benoît XVI, évêques et cardinaux réaffirment l'importance du dialogue avec les juifs et les musulmans.

Ils proposent aussi d'élargir aux femmes, le ministère du « lecteur », dévolu jusqu'à présent aux seuls hommes laïcs et ils suggèrent de se pencher davantage sur le phénomène des sectes pour mieux les neutraliser.

 

 

Les évêques proposent d'étendre les traductions de la Bible.
( Photo : Wikimedia )

Avec notre correspondant à Rome, Antoine-Marie Izoard

Mieux faire connaître la bible aux fidèles catholiques, c'était l'objectif principal de ce Synode des évêques au Vatican. Plus de 250 évêques et cardinaux du monde entier, des auditeurs, et des experts dont une poignée de femmes, ont planché pour faire au pape une cinquantaine de propositions.


Ils y réaffirment l'importance du dialogue avec leurs frères aînés, les juifs, mais aussi avec les musulmans, sur des valeurs éthiques comme le respect de la vie, les droits de l'homme et de la femme mais aussi la liberté religieuse.

Les pères synodaux ont aussi proposé d'élargir aux femmes, le ministère du « lecteur », une tâche réservée aujourd'hui aux hommes qui se préparent à devenir prêtre.

Traduire la Bible

Ils ont aussi souhaité que chaque chrétien à travers le monde puisse posséder une Bible, insistant pour cela sur la traduction du texte dans des langues rares. Evêques et cardinaux ont aussi souhaité faire face aux défis grandissants que représente la lecture fondamentaliste de la bible, proposée par les sectes.

Ils se promettent de mieux étudier le phénomène des sectes mais aussi d'améliorer leurs propres homélies pour ne pas perdre de fidèles, mais aussi de mieux former leurs prêtres et leurs cathéchistes. Ces propositions ont été remises à Benoît XVI, qui publiera dans plusieurs mois une exhortation post-synodale.


http://www.juif.org/go-news-69789.php

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22 octobre 2008 3 22 /10 /octobre /2008 20:30
Mercredi 22 octobre 2008

 


Mon a-Dieu à sœur Emmanuelle

 

Madeleine Cinquin, Soeur Emmanuelle de son nom de religieuse, est passé de l’autre côté dans la nuit du 19 au 20 octobre. Elle vit.


Comme beaucoup de gens, j’ai souvent été interpellé par cette petite bonne femme en blouse grise et baskets, par sa vitalité communicative et son franc-parler incisif.


Sa lutte opiniâtre contre la pauvreté durant les 20 ans où elle partagea la vie des chiffonniers du Caire, principalement dans le bidonville d'Ezbet el-Nakhl, ont fait d’elle une figure emblématique et populaire de la charité. En l’écoutant parler ou en regardant des reportages sur son action, je me sentais à la fois minuscule et immense. Minuscule parce que son sens du dévouement et son audace – elle ne semblait avoir peur de rien ni de personne – me renvoyait souvent à mes lâchetés et à mon égoïsme. Mais aussi immense parce qu’au-delà de sa personne, se révélaient la grandeur de l’humain et son extraordinaire potentiel d’amour.


Ce qui m’a particulièrement touché chez cette femme est son universalité de cœur et d’esprit. Elle n’accordait que fort peu d’importance aux dogmes et aux frontière doctrinales, et ne s’en cachait pas, même si ce n’est pas ce que les media ont le plus retenu de sa personne. Pour elle, l’amour était au-dessus de tout. Elle aimait évoquer le jour de sa mort en disant « Lorsque je vais me retrouver devant Dieu, il ne me demandera ni mon certificat de baptême ni si je suis allé régulièrement à la messe, non, il me demandera si j’ai su aimer ». Sœur Emmanuelle pratiquait un dialogue interreligieux de terrain, sans carcan institutionnel ni arrières pensées de prosélytisme. Elle oeuvrait à sa façon aux rapprochement entre Juifs, Chrétiens et Musulmans en espérant un temps où la foi ne serait plus un obstacle entre les hommes mais une énergie commune mise au service de toute l’humanité.

La religion, en tant que système et institution, n’était pas son affaire. Elle fut souvent écartelée entre le devoir d’obéissance lié à ses vœux de religieuse et sa conscience de femme libre, qui s’accordait mal avec les choix et orientations de la hiérarchie catholique. L’Eglise qu’elle aimait était l’église d’en bas, l’église de terrain, celle de la grande fraternité humaine, de la simplicité et de l’amour sans condition. Au détour de certains passages de ses livres ou d’une interview, on pouvait sentir sa souffrance de devoir se soumettre. Cette souffrance la travailla régulièrement, jusqu’à l’année 1993 où, à 85 ans, elle du, à contre cœur et sur ordre de sa hiérarchie, quitter l'Egypte et ses "amis les chiffonniers" auprès desquels elle aurait préféré mourir, pour prendre sa retraite en France.

A une journaliste de l’Express (article daté du 29/06/1995) qui l’interrogeait sur sa vocation religieuse, elle répondait : « Je n'ai jamais choisi la voie de l'Eglise, jamais de la vie! J'ai choisi Dieu, ce n'est pas pareil! Les structures de l'Eglise ne m'intéressent absolument pas. Lorsque j'avais 20 ans, il n'y avait qu'une voie pour servir Dieu totalement: la vie religieuse. (…) aujourd'hui, je n'aurais probablement pas suivi la voie que vous appelez l'Eglise, j'aurais choisi une cause et je m'y serais dévouée. Je voulais faire de ma vie quelque chose qui ne meure pas, quelque chose d'absolu, parce que j'avais le sentiment que tout passe, tout coule, et qu'au milieu il y a un être qui ne coule pas, c'est Dieu. J'ai voulu entrer dans ce fleuve très limpide qui va droit à l'essentiel: l'Homme ».



Ma sœur Emmanuel, merci pour ta foi en Dieu et en l’homme, indissociables. Merci pour la voie que tu as montré. Même si tu n’as pas su ou pu reprendre ta liberté face à un système dans lequel tu ne te reconnaissais pas – en cela je ne te juge pas -, ton cœur battait au rythme de la liberté du Christ et tu savais qu’il « vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux (pouvoirs des) hommes » (Actes 5, 29). Tu pressentais, au fond de ton âme, la venue d’une spiritualité du partage et de la communion entre tous, sans exclus ni discrimination, un dépassement de la religion instituée et doctrinale par l’amour évangélique transformateur, le don de sois sans étiquettes, ni frontières. Merci.

 

 Sœur Emmanuelle a fondé en 1980 l'association « Asmae-association Soeur Emmanuelle » qui aide des milliers d'enfants dans le monde de l'Egypte au Soudan, du Liban aux Philippines, de l'Inde au Burkina Faso. Elle a publié plusieurs livres, notamment "Richesse de la pauvreté" (2001), "Secrets de vie" (2000), "Yalla les jeunes" (1997), "Le paradis, c'est les autres" (1995), "J'ai cent ans et je voudrais vous dire" (2008).


http://le-jardin.over-blog.net/article-23998130.html
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14 septembre 2008 7 14 /09 /septembre /2008 16:35


Indian Muslims

Muslim-Christian dialogue can succeed
only by recognizing realities : Tariq Ramadan


By TwoCircles.net staff reporter,

mardi 8 juillet 2008
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New Delhi : Eminent theologian and writer Tariq Ramadan delivered a lecture on ‘Christianity and Islam : Values and History’ on 3rd July at Jamia Millia Islamia (JMI). The programme was organized under JMI’s Outreach programme.

Prof Ramadan’s talk focused on the similarities and differences between the two great religions of the world and the need to rise above differences and look at ways to live with harmony and trust. He stressed the need for honest self-appraisal, critical thinking and a commitment to the principles of one’s own religion while also showing respect for other traditions, beliefs and practices.

A Swiss Muslim, academic and theologian, Ramadan spoke passionately for the need to re-visit and re-appraise old, contentious issues. He advocated the studying and re-interpretation of Islamic texts, and emphasized the heterogeneous and diverse nature of Islamic society. He stressed that Muslims in Europe have to establish a new “European Islam” and emphasized the necessity for their engagement in European society.

A measure of his popularity was found in the lively Q&A session that followed his talk and the group of, mostly young, admirers, who besieged him at the tea that followed. Widely read in India, Ramadan is the author of 15 books on Islam, most readable among them if the biography of the Prophet, In the Footsteps of the Prophet : Lessons from the Life of Muhammad. His other books include Western Muslims and the future of Islam and To Be a European Muslim., Islam, the West, and the Challenge of Modernity.

Ramadan has taught Religion and Philosophy at the University of Fribourg and the College de Saussure, Geneva and later at St Anthony’s College, Oxford. In September 2005 he was invited to join a task force by the Government of UK. He is also guest professor of Identity and Citizenship at Erasmus University, Rotterdam and an advisor to the EU on religious issues.

He was introduced to the audience by JMI vice-chancellor Prof. Mushirul Hasan.

Addressing the audience, Ramadan said he had been among Christians for a number of years in order to comprehend this topical theme and traversed the space from experience to the text (Qur’an) and, then, it dawned upon him what he was going to convey.

Ramadan said we should admit that we can commit mistakes in understanding the text, whether from Qur’an or from Bible, and that whatever the Jews and Christians opine about us that ideology is based on their reading of Torah and Bible. He said usually we compare our ideals with others’ reality which is not correct, though we can compare our text with others’ text, our values with others’ values and our situation with others’ situation. He advised that we should study history because it makes a man humble and deepens the understanding of a mind. Knowing history we can understand the text properly, saying that all religions may be great or may not be so.

Ramadan said dialogue requires understanding other peoples’ psyche because we cannot understand other people without understanding it. Referring to truce of Hudaibiyyah, he said the Prophet of Islam (S.A.W.) was adept in understanding peoples’ psyche and their nature. He said we need to admit the mental trauma caused to others and ourselves as well as the excesses committed in past so that the dialogue may proceed. Citing the period of Ottoman Empire as an example, he said we should admit that the non-Muslim were required in that period to wear a particular type of dress and that excesses were committed against Ahl-e-Zimmah (non-Muslims living in a Muslim country).

He said three things are essential for a dialogue : intellectual empathy, deep faith and rationality and spirituality. He said it may be incorrect to ask any person to observe veil, it is equally wrong for a state to force anyone to not observe veil. He said the first thing required for coming out of the present situation is humility, education, self-knowledge and patient ears for others. Second point is dialogue that requires removing non-confidence from the mind of the other partner of dialogue. Third point is recognizing that all points are important and the fourth one is attachment of scholars participating in the dialogue with their own community. He said the last condition is working together and this requires respecting others’ nature and dignity as well as sense of justice.

SOURCE : Indian Muslims

http://www.tariqramadan.com/spip.php?article10291
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13 septembre 2008 6 13 /09 /septembre /2008 00:14




Entre Bible et Coran

Pour en finir
avec le goût du sang



Des Evangiles, les chrétiens ont cru tirer la justification des croisades. Au nom du Coran, les fous d’Allah posent des bombes... Pour sortir de la tragique impasse du « choc des civilisations », Jean-Claude Guillebaud fait le point sur le dialogue des religions


 

Cette grande affaire des relations entre l’Islam et l’Occident chrétien (ou postchrétien) fait songer à certaines tempêtes maritimes : en surface les clapots sont très forts, mais un calme relatif se fait dès qu’on s’enfonce à une certaine profondeur. A la surface de l’actualité quotidienne, il y a l’abjection du terrorisme, l’imbécillité meurtrière des fatwas, le spectacle des frustes assassins d’Alger, de Bagdad ou de Londres, celui du petit peuple vociférant dans les rues d’Amman ou celui des illuminés de Dacca qui réclamaient en 1994, on s’en souvient, la pendaison de Taslima Nasreen. A tout cela, on doit ajouter la peur grandissante des chrétiens d’Orient (lire l’interview d’Antoine Sfeir p. 24), ceux de Bethléem ou d’Irak, que la haine islamiste conduit peu à peu à l’exil. Tant de bêtise meurtrière, tant de défilés assassins, tant de tracts vengeurs semblent justifier, en effet, des analyses sans nuances.
A cette sinistre effervescence criminelle répond donc, notamment du côté chrétien, une diabolisation qui, soyons clair, vise parfois non seulement l’islamisme mais l’islam lui-même. On songe au mépris rageur exprimé en 2002 par la journaliste italienne Oriana Fallaci, récemment disparue (et qui a fait don de ses archives au Vatican !), ou aux condamnations, à peine moins sévères, régulièrement exprimées par ces intellectuels qui considèrent l’islam comme une forme contemporaine de fascisme, voire de nazisme. Chez nous, cette dénonciation abrupte n’est pas seulement le fait de philosophes ou d’essayistes qui, comme Pascal Bruckner ou André Glucksmann, ont soutenu l’intervention américaine en Irak et appellent les Occidentaux à la résistance contre le « péril vert ». Elle ne se réduit pas non plus aux réquisitoires des défenseurs de la laïcité républicaine et de la liberté d’expression, comme l’essayiste Caroline Fourest ou le professeur de philosophie Robert Redeker, récemment menacé de mort par des islamistes anonymes. Elle s’exprime aussi, mais différemment argumentée, chez certains chrétiens comme le catholique Jean-Claude Barreau, qui fit scandale voici une dizaine d’années avec un pamphlet contre l’islam, ou le protestant Alain Besançon, dont les analyses, dit-on, auraient influencé la raideur doctrinale du nouveau pape.

 

Ces chrétiens-là opposent volontiers le personnage de Jésus à celui de Mahomet (voir encadrés ci-après). Il est vrai que, dans l’imaginaire collectif comme sur le plan de l’histoire, tout les distingue. Le premier est un crucifié, « agneau de Dieu », victime emblématique de la violence des hommes et doux parmi les doux. Le second est un guerrier qui leva des armées et qui, de La Mecque à Médine, posa les bases de la prodigieuse expansion de l’islam au viie et viiie siècle, y compris par les armes et la ségrégation juridique des vaincus. Au premier examen, le message de l’un paraît aussi pacifique que celui du second semble belliqueux.
A cette opposition des deux figures fondatrices, on ajoute généralement un distinguo concernant le statut des textes sacrés eux-mêmes, c’est-à-dire le Coran et le Nouveau Testament. Du côté chrétien, on entend dire et répéter que la sacralité inaugurale du texte coranique, le fait qu’il soit considéré comme dicté par Dieu, distingue radicalement l’islam des autres religions monothéistes et bloque son adaptation à la modernité. Dans le christianisme, en effet, le statut des récits évangéliques, d’ailleurs contradictoires entre eux, rend impossible une interprétation littérale et présuppose l’exégèse, la réinterprétation et la contextualisation permanente. C’est l’irréductibilité de cet « obstacle théologique » propre à l’islam que certains responsables de l’Eglise voudraient à nouveau souligner.
 

A leurs yeux, cette particularité du Coran, texte immuable, serait sociologiquement désastreuse dans nos sociétés développées, devenues multiconfessionnelles, et qui abritent de fortes minorités musulmanes en quête d’intégration. A s’en tenir à la lettre du Coran et à la charia qui s’en inspire, ces minorités seraient théologiquement empêchées d’adhérer aux règles démocratiques les plus ordinaires, par exemple celles qui touchent à la condition féminine, au droit d’expression ou encore à cette barbarie ancestrale qu’est la lapidation des femmes adultères. Pour cette raison théologique, un auteur protestant, Jacques Ellul (dont les livres sont aujourd’hui réédités), s’en prenait violemment dans les années 1980 (déjà !) à la jobardise de ces intellectuels occidentaux désenchantés, souvent venus de l’extrême-gauche, et que fascinaient les richesses spirituelles supposées de l’islam. « Nos intellectuels, écrivait-il, y trouvent un renouveau de possibilité d’un sens et d’une vérité » qui leur permet de « sortir de la monotone querelle hégélienne ? » (1).
Aujourd’hui, pourquoi le cacher, de nombreux chrétiens raisonnent à nouveau de cette façon et considèrent que, dans son discours de Ratisbonne, le pape n’a fait qu’« exprimer tout haut ce que beaucoup pensent tout bas  ». C’est peu de dire que ce voyage pontifical se situe dans un moment de tension aiguë. A ces condamnations sans appel, les musulmans ont beau jeu de répondre en invoquant les croisades, cette « ratonnade » étalée sur quatre siècles, ou encore la théorie de la « guerre juste », élaborée par saint Augustin au ive siècle, après la conversion de l’Empire romain au christianisme, et alors que les « Barbares » menaient leurs assauts jusqu’à Rome.
Symétriquement opposée quelques siècles plus tard au djihad, cette idée chrétienne de « guerre juste » servit souvent, de siècle en siècle – et jusqu’à aujourd’hui dans la bouche de George W. Bush à propos de l’Irak –, à justifier des entreprises bien moins respectables. Les mêmes musulmans font aussi valoir, à bon droit, que le fondamentalisme – y compris dans sa version agressive – n’est pas l’apanage de l’islam. Toutes les grandes religions, monothéiste ou non, en sont aujourd’hui affectées.
A la surface de l’actualité, la querelle entre chrétiens et protestants est donc si brutale qu’elle semble s’apparenter, en effet, à un « choc de civilisations ».
Mais on aurait tort de s’en tenir là. Quand on reprend l’analyse à un autre niveau, force est de constater que les choses ne sont pas et n’ont jamais été aussi tranchées. On peut même dire qu’une extraordinaire ambivalence – hostilité déclarée mais dialogue continué – présida depuis l’origine aux rapports entre chrétiens et musulmans. Ironie de l’histoire, la Turquie, où Benoît XVI s’aventure aujourd’hui, est justement l’un des endroits au monde où cette ambivalence fut et demeure la plus saisissante. Côté affrontement, c’est à proximité du Bosphore, à quelques dizaines de kilomètres d’Istanbul (qui s’appelait alors Constantinople) qu’eurent lieu, dans une optique de Reconquista chrétienne, les premiers massacres d’envergure entre chrétiens et musulmans. Ces horreurs réciproques ont laissé des traces encore vives dans la mémoire collective.
En septembre 1096, après l’appel à la première croisade lancée l’année précédente par le pape Urbain II, les foules désordonnées conduites – en avant des armées officielles – par le prédicateur Pierre l’Ermite, hommes, femmes et enfants furent exterminées par les cavaliers du Turc Kilidj Arslan, dont les troupes menaçaient la capitale de l’Empire byzantin. Ce sont des dizaines de milliers de corps en décomposition, dispersés à flanc de colline entre le Bosphore et la ville de Nicée (aujourd’hui Iznik), que découvrirent quelques mois plus tard les armées croisées « officielles » conduites par Godefroi de Bouillon. Les ossements de ces malheureux étaient si nombreux qu’on fera encore mention de leur présence, deux siècles après, dans certains récits de voyageurs. Ils avaient servi à édifier des murettes entre les champs cultivés...
Soucieuses de revanche, les armées de Godefroi ne furent pas en reste en matière de sauvagerie. Lors du siège de Nicée, en 1097, elles entreprirent de projeter par-dessus les remparts les têtes tranchées de leurs prisonniers musulmans afin de démoraliser les assiégés. Nicée prise, les croisés vainquirent ensuite le gros des armées turques à Dorylée (aujourd’hui Eskisehir), puis à Antioche et enfin à Jérusalem, où ils se livrèrent, en 1099, à des massacres insensés dont les musulmans d’aujourd’hui, neuf siècles plus tard, ne peuvent parler sans frémir de rage. Dès cette époque, pourtant, ces violences n’interdirent pas que se nouent assez extraordinairement entre les musulmans sur la défensive et les chrétiens venus d’Occident d’étranges liens marqués par une fascination réciproque. Détail oublié : les royaumes chrétiens créés en Orient, à Tripoli, à Edesse ou à Jérusalem, par les croisés firent ainsi durablement alliance (pendant soixante années !) avec les musulmans de Damas. Quant aux chrétiens de la deuxième génération, ces fils des croisés demeurés sur place – l’équivalent des pieds-noirs, les « poulains » –, ils s’habillaient à l’orientale, parlaient l’arabe et s’intéressaient beaucoup à l’islam, dont ils admiraient le raffinement. L’adversité militaire en Orient n’empêcha donc pas, de siècle en siècle, une réelle connivence culturelle et même religieuse entre les uns et les autres. Une anecdote entre mille : l’empereur germanique Frédéric II, héros de la sixième croisade (xiiie siècle) et maître de Jérusalem, exigea qu’y soient maintenues et même encouragées les prières des muezzins, qu’il jugeait sublimes.
En Turquie même, la liquidation de l’Empire byzantin après la chute de Constantinople en mai 1453 et l’extension de l’Empire ottoman n’anéantit pas cette paradoxale attirance. On peut même dire qu’elle survécut à tous les conflits, à toutes les brouilles, à toutes les violences. Pendant près de cinq siècles, par exemple, les pèlerins chrétiens marchant vers Jérusalem à travers l’Anatolie furent accueillis et traités avec aménité par les autorités ottomanes et les musulmans locaux. Aujourd’hui encore, dans la Turquie moderne, une association musulmane regroupe des familles désireuses d’héberger des marcheurs chrétiens en route vers la Terre sainte. Ces rencontres privées donnent parfois lieu à des échanges théologiques approfondis.
On reste là, malgré tout, au stade de l’anecdote. En revanche, c’est à cette même attirance, maintenue envers et contre tout, qu’il faut rattacher la très longue histoire du dialogue proprement théologique entre chrétiens et musulmans. L’histoire de ce « débat » va du vif intérêt marqué au xiiie siècle par saint Thomas d’Aquin pour les écrits d’Ibn Ruchd, dit Averroès (1126-1198) jusqu’au travail théorique des grands érudits islamophiles contemporains que furent Louis Massignon, Jacques Berque, Henry Corbin ou son élève Christian Jambet. C’est dans cette même perspective « dialoguante » qu’il faut interpréter l’engagement des sept moines trappistes de Tibérine, assassinés par les islamistes algériens en mai 1996. L’un d’eux, Christian de Chergé, pressentant le pire, avait rédigé un an auparavant un texte incroyable dans lequel il interdisait par avance que la responsabilité de son possible assassinat soit imputée à l’islam lui-même et aux musulmans en général.
De la même façon, l’évêque d’Oran, Pierre Claverie, tué le 1er août 1996, avait déclaré peu avant sa mort : « L’autre (c’est-à-dire le musulman) est peut-être porteur d’une vérité qui me manque. » Ce texte étincelant a fait, via internet, le tour de la chrétienté. C’est aussi dans cette optique qu’on doit comprendre l’engagement obstiné de certaines associations chrétiennes comme la communauté italienne de Sant’ Egidio créée en 1968 dans la foulée de Vatican II et qui organisa d’innombrables rencontres avec l’islam.
Aujourd’hui, en Europe, de nombreux chrétiens suivent avec une attention particulièrement bienveillante le travail interprétatif engagé par une nouvelle génération d’intellectuels musulmans. Utilisant les instruments fournis par les sciences humaines, ces derniers procèdent à une relecture non seulement du texte coranique, mais aussi des grands commentaires exégétiques. Ils s’efforcent de distinguer du texte lui-même les « ajouts », le plus souvent disciplinaires et rigoristes, imputables aux oulémas. Il en va ainsi pour les questions touchant au statut de la femme, à la sexualité ou à la consommation d’alcool. Pour ce qui concerne la France et pour ne citer que quelques noms, c’est tout le sens des travaux d’auteurs comme Abdelwahab Meddeb, Malek Chebel, Rachid Benzine ou le Tunisien Abdelmajid Charfi.
Ce dernier, qui écrit ses livres en arabe, ne se contente pas de plaider pour une ouverture de l’islam à la modernité, il entend démontrer que cette adaptation est compatible avec le contenu  prophétique, et non normatif, du texte coranique. Il invite chacun à distinguer « l’esprit » de la Révélation des formulations sociales et politiques qu’en donnèrent, au fil des siècles, les jurisconsultes et les oulémas. Qu’il s’agisse du djihad, des prescriptions alimentaires, du rituel de la prière, des femmes et de la question du voile, Charfi ne craint pas de « heurter de front la lecture majoritaire des textes fondateurs ». Un croyant, ajoute-t-il, peut parfaitement s’émanciper de cette lecture, sans devenir pour autant un apostat ni mériter le qualificatif ambigu de mubtadi (novateur).
Or ces réformateurs intrépides participent à de nombreux dialogues organisés à l’initiative de groupes chrétiens, catholiques ou protestants. Du côté chrétien, certaines individualités comme Christian Delorme, ancien curé des Minguettes, dans la banlieue lyonnaise, jouent depuis vingt ans un rôle aussi décisif que discret en la matière. Chez les musulmans, le philosophe algérien Mustapha Cherif, premier musulman à être reçu par le pape le 11 novembre dernier après la controverse de Ratisbonne, œuvre dans le même sens. Il fut l’un des fondateurs, en 1993, du groupe d’amitié islamo-chrétienne, groupe qui fait preuve, ces dernières années, d’un nouveau dynamisme. Sous les clapots désastreux de l’actualité, la réalité du dialogue est finalement plus paisible et plus prometteuse qu’on ne l’imagine.

(1) « Islam et judéo-christianisme », PUF, 2004.

 

 

Jean-Claude Guillebaud
Le Nouvel Observateur

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13 septembre 2008 6 13 /09 /septembre /2008 00:08

Benoît XVI souligne le "rôle éminent"
joué par les Juifs de France
NOUVELOBS.COM | 12.09.2008 | 19:00

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/societe/20080912.
OBS1103/benoit_xvi_souligne_le_role_eminent_joue_par_les_juifs_.html

Le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la Conférence des évêques de France était aux côtés de Carla et Nicolas Sarkozy pour accueillir Benoît XVI

Le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la Conférence des évêques de France était aux côtés de Carla et Nicolas Sarkozy pour accueillir Benoît XVI (AP)

Au premier jour d'une visite de quatre jours en France, le pape Benoît XVI a souligné, vendredi 12 septembre, "le rôle éminent" joué par les Juifs de France dans l'histoire de France, en rencontrant les représentants de la communauté juive de Paris.
"Je ne peux omettre, en une occasion comme celle-ci, de mentionner le rôle éminent joué par les Juifs de France pour l'édification de la Nation tout entière, et leur prestigieuse contribution à son patrimoine spirituel", a souligné le pape.

Bénédiction

"Ils ont donné, et continuent de donner, de grandes figures politiques, intellectuelles et artistiques", a-t-il ajouté.
"Je forme des vœux respectueux et affectueux à l'adresse de chacun d'entre eux, et j'appelle avec ferveur sur toutes vos familles et sur toutes vos communautés une Bénédiction particulière du Maître des temps et de l'Histoire", a-t-il dit.
"Il a une attitude d'humilité, c'est un homme très simple, il nous a reçus comme des amis, j'ai été sincèrement séduit", a déclaré le grand rabbin Joseph Sitruk, parlant d'un "rapprochement historique entre le judaïsme et l'Eglise", à l'issue de la rencontre avec le souverain pontife.

"laïcité positive"


Interrogé sur la laïcité, le grand rabbin a estimé que "la venue du pape tombait à point pour rappeler qu'on peut être un Français laïc et croire en Dieu".
Pour sa part, le président du Consistoire central israélite de France, Joël Mergui, a parlé d'une rencontre "courte et intense" traduisant selon lui "une volonté réciproque de poursuivre le dialogue entre les juifs et les catholiques sur des sujets de société comme la famille et les préoccupations quotidiennes."
Au sujet de la "laïcité positive", le président du Consistoire a assuré que c'était un "concept de plus en plus admis dans la société". "Différentes identités se côtoient et ont tout intérêt à se respecter", a-t-il ajouté, estimant par ailleurs qu'il était nécessaire de mener une "action en direction des nouvelles générations".

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/societe/20080912.OBS1103/
benoit_xvi_souligne_le_role_eminent_joue_par_les_juifs
_.html
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7 septembre 2008 7 07 /09 /septembre /2008 04:21



mainsoecumeniques.jpg


Actualité récente : la semaine de l’unité
Réflexion sur l’unité des Chrétiens et la démarche oecuménique.

 Que tous soient un !

Réponse à une blogueuse chrétienne, membre de la communauté « religions en liberté », et quelque peu déçue par l’oecuménisme…



La démarche oeucuménique part d’une intention généreuse et d’un ressenti juste : la division actuelle des Chrétiens est une souffrance et un contre-témoignage. Peut-on se réclamer du Christ Jésus et ne pas se sentir profondément blessé par ces ruptures et ces rivalités entre frères ? Peut-on se réclamer du Christ Jésus et ne pas aspirer du fond du cœur à la réconciliation et au rassemblement de la grande famille chrétienne ?

Je suis personnellement convaincu que la plupart des croyants investis dans la démarche œcuménique sont sincèrement désireux de retisser des liens entre frères divisés. Cependant, quelque chose semble ne pas « fonctionner » et l’œcuménisme nous apparaît aujourd’hui comme entré dans une sorte d’impasse. L’enthousiasme de beaucoup de cœurs c’est refroidit et le doute pointe son nez… Que se passe-t-il ?

 mainsoecumeniques.jpg


L’unité des Chrétiens n’est pas une option, il s’agit de la volonté même de Dieu. Mais de quelle unité s’agit-il ?

Selon l’apôtre Jean, Jésus a lui-même prié pour l’unité de ceux qui croient en lui :

« Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité. Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. Pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité. Je ne prie pas pour eux seulement, mais aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi, afin que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes un: moi en eux et toi en moi, afin qu’ils soient parfaits dans l’unité, et que le monde reconnaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. » (Jean 17, 17-23)

 Dans la prière rapportée par Jean, Jésus n’évoque pas cette unité en terme d’institution, de système, encore moins en terme de pouvoir. Jésus évoque l’unité en termes spirituels.

Les disciples doivent être unis tout comme Jésus est uni à son Père. Jésus évoque l’unité en termes d’amour, de relation, de sanctification, de perfection et d’engagement missionnaire. Il s’agit d’être un, comme Jésus et le Père sont un. Cette unité ne vient pas d’une unification organisationnelle ou dogmatique. Jésus est un avec son Père car il L’aime. Il est un avec son Père car, tout comme le Père, il aime les hommes. Jésus est un avec son Père, car il met sans cesse ses pas dans ceux du Père (RA 2/12). C’est le sens du propos rapporté par Jean : « le Fils ne peut rien faire de lui-même, qu’il ne le voit faire au Père; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement. » (Jean 5,19).

C’est en faisant la volonté de Dieu, en étant parfait – dans une dynamique d’évolution créatrice, dans une tension permanente vers la perfection, la sainteté pour reprendre une expression biblique - à l’image et ressemblance de Dieu, tout comme Jésus, que les disciples de Jésus fondent leur unité et sont reconnus comme disciples. A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples: si vous avez de l’amour les uns pour les autres (
Jean 13,35).


Soyons lucides, les divisions entre Chrétiens ont contribué à éloigner les hommes de la foi et de Dieu, elles ont été facteur de scandale au sens biblique (Matthieu 18,6). Quelle espérance crédible peuvent susciter des hommes et des femmes qui prêchent la fraternité et l’amour, mais s’opposent, se méprisent, voire se déchirent ? Les premières séparations entre églises d’orient et d’occident après le concile de Chalcédoine (451), le grand schisme entre Chrétiens orthodoxes et catholiques romains (1054), les ruptures de la Réforme
entre Catholiques et Protestants (à partir du 16ème siècle), les nombreuses scissions au sein même de ces trois grands groupes, les rivalités et parfois les guerre qui en ont résulté, l’exclusion ou la persécution des minorités atypiques ou simplement contestataires (les courants considérés comme « hérétiques » dès le second siècle, les ariens et autres chrétiens unitariens pratiquement depuis l’origine, les cathares, les vaudois, les anabaptistes, les églises considérées comme « sectes » aujourd’hui uniquement parce qu’elles sont très minoritaires numériquement ou dans leurs orientations théologiques, etc.)… la liste est longue des divorces et des luttes fratricides qui ont morcelé la foi chrétienne et meurtri la fraternité.

Le bon sens et l’amour nous font naturellement aspirer au rassemblement. Mais de quel rassemblement s’agit-il ?

Premièrement, un rassemblement de fraternité vraie, vivante, librement consentie et portée par la base, non un rassemblement contraint par des alliances d’appareils ou des centralisations administratives décidées par des instances.

Deuxièmement, un rassemblement reconnaissant la diversité des sensibilités et des expériences, non une unification niveleuse et uniformisante. Le christianisme a été divers dés son origine, cela n’est aucunement un problème en tant que tel. Cela devient un problème lorsque les variations de sensibilité ou de compréhension tracent des frontières ou sont matière à conflit et à rejet. 

Troisièmement, un rassemblement dans l’Esprit et l’amour, non dans les dogmes ou les formulations doctrinales qui ont toujours débouché, l’histoire du christianisme le montre, sur de nouvelles tensions et scissions. Ce n’est pas « par la tête » mais « par le cœur » que l’unité peut naître.

Un exemple parmi d'autres : Les débuts du Renouveau charismatique ont montré que l’unité vécue émergeait spontanément dans la simplicité du cœur, le recentrage sur l’essentiel et l’ouverture à l’Esprit. Malheureusement, certaines démarches d’unité spontanée de Chrétiens de confessions diverses ont été freinées, voir découragées par les administrations religieuses… sous prétexte de « discernement » et de refus de la confusion. Est-ce de la confusion que d’aimer son frère avec simplicité et de vouloir surmonter, au nom de cet amour, les divisions doctrinales inutiles et les obstacles hérités de traditions culturelles et de concepts intellectuels qui ne viennent pas de l’Evangile ?
Trop souvent les appels au « discernement » et à la prudence vis à vis de la « confusion » cachent de la peur, en particulier la peur de perdre le contrôle des fidèles. Ces arrières pensées affaiblissent considérablement la dynamique œcuménique dans ce qu’elle a des généreux et de sincère et peuvent finir par la tuer.  C’est pourquoi Dieu dit dans la Révélation d’Arès : la mort serre le nez des fils unis [XXXII /3]. Le déclin de l’œcuménisme institutionnel est fatal, il doit être remplacé par la fraternité simple vécu dans la liberté et l’intelligence du cœur.


Pour aboutir, une démarche de rassemblement et d’unité doit mettre en œuvre, outre une dynamique de liberté dans l’Esprit et une reconnaissance positive de la diversité des richesses, une volonté ferme d’en finir avec l’esprit d’exclusive et la volonté d’unification formelle (institutionnelle). Précisons :

- D’une part, une démarche de fraternisation et de rassemblement entre disciples de Jésus ne peut être féconde que si chacun des courants de foi concernés renonce sincèrement et définitivement à toute hégémonie sur l’ensemble du Peuple chrétien. Nulle église, nulle chapelle, ne doit partir du principe que l’unité doit se faire « sous son chapiteau » exclusif. Au contraire, cette démarche ne peut vivre que si chaque église ou sensibilité spirituelle reconnaît pleinement l’autre sensibilité comme une composante légitime de la famille chrétienne et l’accueille comme telle, sans arrière pensée de conversion ou de domination. Il faut impérativement en fini avec les « complexes de supériorité » des uns et des autres. Cela implique que chaque église doit cesser de se considérer comme l’Eglise – avec un grand E - et cesser de considérer les autres églises comme des voies d’erreur, de déviance ou pire, de perdition. Cela implique que chaque église reconnaisse humblement et durablement qu’elle n’a pas le monopole de la Vérité – avec un grand V -, la vérité plénière étant possession exclusive de Dieu.

 

- D’autre part, une démarche de rassemblement vivante doit se fonder sur des liens de fraternité patiemment tissés par la base croyante en acceptant sans crainte la diversité des fonctionnements collectifs, des vécus d’assemblée et des expérimentations communautaires. Toute organisation, toute structure héritée de l’histoire doit se considérer comme relative, transitoire, dépassable. Aucune forme ne doit être décrétée seule acceptable ou praticable, considérée comme indépassable ou pire sacralisée. Aucune forme (modalité d’organisation, de concertation, de prise de décision…) n’est sacrée. Les formes ne sont que des outils et tout outil peut se révéler inadapté à un moment ou à un autre et se voir remplacé par un autre… Enfin, nous devons comprendre que l’unité n’est pas la résultante d’une centralisation et d’une normalisation (imposition de normes) mais plutôt l’harmonisation de la diversité dans la liberté. La liberté chrétienne ne doit pas être formatée et contrôlée par une institution mais orientée, modérée et régulée par l’Esprit, volontairement accueilli et la Parole, volontairement mise en œuvre par chacun et chacune. Pourquoi ? Parce que c’est librement que Jésus s’est ouvert à l’Esprit et a assumé la Volonté du Père. C’est librement qu’il a vécu l’unité avec le Père. Par conséquent, c’est librement que ses disciples accueillent Dieu à sa suite et vivent la fraternité et l’unité. L’unité des Chrétiens n’est viable que si elle prend pour modèle et fondation l’unité entre Jésus et son Père (cela ressort clairement de la prière rapportée par Jean citée en introduction de ce texte).

 
Enfin, une démarche d’unité ne peut se fonder sur des bases saines et prometteuses que si chaque église ou chaque courant de foi cesse de considérer les autres comme responsables des divisions du passé et accepte de reconnaître d’abord ses erreurs et ses fautes. Il s’agit pour chaque église, chaque confession, de retirer la poutre dans son œil d’abord et de renoncer à tout jugement, à tout procès historique. Une dynamique d’unité ne peut être qu’une dynamique de pardon réciproque et d’espérance active où chacun se tourne vers l’avenir avec confiance, renonce à « régler les comptes » du passé. Ainsi, bien davantage qu’une question d’organisation ou de modalité pratique, la question de l’unité est une question de conversion en profondeur à l’évangile et particulièrement à ces exigences de non jugement et de pardon.

 
L’unité en Dieu n’est pas une unification de structure ou de formulation doctrinale, c’est une harmonie plurielle et souple, une unité de complémentarité féconde, active, dynamique, vécues dans l’amour évangélique (lequel n’est pas nécessairement un amour sentimental ou d’affinité spontanée). Il s’agit de bien autre chose que le simple « respect » ou la simple « tolérance ». Il s’agit de relever le « défi évangélique » dans nos vies pour surmonter les obstacles à la fraternité. Il s’agit aussi d’entrer en relation avec l’autre croyant dans un esprit de partage et d’enrichissement pour un dépassement commun : Catholiques, orthodoxes, protestants de toutes obédiences, ainsi que les minorités marginalisées par l’histoire mais qui ont aussi leur richesse propre, ont beaucoup à apprendre les uns des autres pour progresser ensemble vers Dieu.

Utopie ? Folie ? Mais alors toute la Parole de Dieu est une utopie et une folie… Peut-on se dire Chrétien sans être un peu utopiste et un peu fou ?

           

A l’origine de ce texte, lire «Un oecuménisme timide» : http://et-si-c-etait-vrai.over-blog.fr/article-15956444-6.html

 Voir aussi pour info l’«arbre des religions chrétiennes» sur le site « chrétiens ensemble ». http://www.chretiensensemble.com/oecumenisme/arbredesreligions.php

http://le-jardin.over-blog.net/article-16434441.html

 

 

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7 septembre 2008 7 07 /09 /septembre /2008 03:40





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                          DIALOGUE, OU TOLÉRANCE ?

          Dialogue, du grec dià-logein, "se parler l'un l'autre". Pour dialoguer, il faut parler la même langue, c'est-à-dire avoir les mêmes références. Qu'en est-il entre chrétiens et musulmans ?

I. Le passé, et le présent

          Dès ses débuts, l'auteur du Coran se définit par son opposition violente au judaïsme et au christianisme. La deuxième partie du Coran (dite "médinoise") est en fait le carnet de route d'un chef de guerre, qui prêche et qui pratique la conquête du pouvoir par l'élimination (entre autres) des juifs et des chrétiens.
          L'islam s'est étendu au détriment des puissances chrétiennes. Jusqu'au coup d'arrêt de la bataille de poitiers (732) : coup d'arrêt très momentané, puisque l'histoire de l'Occident restera dominée par la lutte contre les "Maures". Le siège de Vienne (1529), la bataille de Lépante (1571), sont quelques épisodes parmi tant d'autres de l'affrontement durable et permanent entre musulmans et chrétiens. Affrontement inévitable, puisqu'il est inscrit dans la lettre même du Coran, le texte fondateur de l'islam.
          En un seul lieu, l'Andalousie, et pendant une période limitée, l'islam a pu instaurer une coexistence pacifique avec les chrétiens. Coexistence toute relative : c'était la paix offerte par le vainqueur musulman aux chrétiens hispaniques soumis. Ne nous y trompons pas : le royaume arabe d'Al-Andalous est une exception dans l'histoire d'une confrontation incessante, par la violence, entre musulmans agresseurs et chrétiens sur la défensive.

          Puis le pendule de l'Histoire a tourné : ce sont les chrétiens qui sont devenus agressifs et conquérants, par la colonisation et l'anéantissement de l'Empire Ottoman.
          Au début du XX° siècle, les peuples musulmans étaient partout asservis par des puissances chrétiennes.
          Grâce en partie à la manne pétrolière, nous assistons depuis 1/2 siècle au réveil de la conscience musulmane. Aujourd'hui, l'affrontement islam/chrétienté se rééquilibre au profit des musulmans. Conséquence : le "fait religieux" prend sous nos yeux une place considérable dans les médias des pays occidentaux, qui se voudraient pourtant laïques.
          On entend beaucoup parler de "dialogue inter-religieux", et ce terme vise toujours le dialogue entre monde chrétien et monde musulman.
          Ce dialogue est-il un mythe, un leurre, ou un idéal réalisable ?

II. L'évolution de l'Occident chrétien

          Constitué en théocraties pendant 15 siècles, de 381 à la fin du XIX° siècle (la Révolution française n'est qu'une brève parenthèse), l'Occident a accompli en un siècle une évolution considérable : la séparation des deux sphères, civile et religieuse, s'est imposée partout - on l'appelle laïcité. Elle s'accompagne d'un déclin des Églises historiques, qui adoptent une position de refus sur la "modernité". A des degrés divers, selon qu'il s'agit des Églises orthodoxes (toujours liées au pouvoir), catholique (crispée sur ses dogmes) ou protestantes (plus ouvertes, mais en position de faiblesse face aux divers "renouveaux" évangéliques).
          Ce déclin, qui marque la fin d'un monde dominé par elles, les Églises historiques se montrent incapables de l'enrayer. Sociologiquement, il apparît spectaculaire et irrémédiable. Mais un phénomène plus discret a miné profondément l'establishement ecclésial : ce sont les progrès de l'exégèse.
          Initiée au XIX° siècle par les protestants (alors seuls libres de penser et de travailler), l'exégèse historico-critique a été condamnée par l'Église catholique jusqu'en 1943. Contraint par les faits, Pie XII (encyclique Divino afflante spiritu) a fini par en accepter le principe, et par l'autoriser aux catholiques.
          Depuis, la Bible est étudiée comme n'importe quel autre texte ancien. Quelques chercheurs catholiques, peu connus du public, sont à la pointe de cette recherche. On redécouvre que Jésus était juif, que son enseignement était celui d'un juif et non d'un chrétien. On apprend à distinguer ce qui vient de lui, et ce qui a été rajouté dans les Évangiles par ses héritiers autoproclamés, pour des raisons qui tiennent plus de la politique que de l'Esprit-Saint. Le visage de Jésus, et son enseignement, sortent peu à peu de l'ombre des dogmes.
           Je vois dans ce travail en cours l'espoir d'un Occident démoralisé par la perte de ses repères ancestraux.
          Le même travail a été fait pour l'Ancien Testament. On sait distinguer ce qui tient à l'époque - les appels à la violence, notamment - et ce qui est le message profond des Prophètes du judaïsme, Prophètes dont Jésus se veut explicitement le continuateur : "Je ne suis pas venu pour abolir, mais pour accomplir"

          La Bible avait pu servir à St Bernard pour écrire la Règle des Templiers : "Sache, écrit-il aux moines-soldats, que si tu tues, c'est pour le Christ. Et si tu es tué, c'est pour Dieu". Aujourd'hui, plus aucun chrétien, même peu cultivé, ne tiendrait ce langage.
          Sauf peut-être quelques-uns de nos intégristes : hélas, ils ont fait souche aux USA, où certains évangélistes reprennent à peu près cette idéologie meurtrière d'un djihad chrétien.
          Ayant appris à lire la Bible, nous sommes en paix avec nous-mêmes et prêts à entamer un dialogue avec d'autres, qui se réclament eux aussi du Dieu d'Abraham.
          Du moins, c'est ce qu'affirme la pensée politiquement correcte diffusée par nos médias : c'est le dialogue inter-religieux dont nous rêvons avec l'islam.

III. Les musulmans : bulletin de santé

          Ce travail fondamental sur nos textes sacrés, tout ce qui fait autorité dans l'islam l'interdit aux musulmans. Il y a un dogme absolu, intangible, fondateur : le Coran existe par lui-même, au ciel. Ce Coran céleste, il a été dicté par l'ange Gabriel à un Muhammad inculte, qui écrivait sans comprendre. Le Coran est ainsi, grammaticalement, la pensée même de Dieu. Ce n'est pas une pensée humaine : c'est LA parole de Dieu, exprimée dans la seule langue capable de la transmettre, l'arabe.
          Il est donc inconcevable - et interdit - d'appliquer au texte du Coran les méthodes de l'exégèse historico-critique. Que ce texte, comme n'importe quel autre, reflète l'évolution d'un homme (son auteur) dans un milieu donné, à une époque donnée. Qu'il ait été retouché par la suite. Que sa compréhension soit rendue difficile, voire impossible, par une tradition (Hadits et Sunna) qui s'en est servie pour établir, puis conforter le pouvoir de Califes et de royaumes arabes - un musulman qui affirme cela est passible de mort.
          En France, les Nouveaux Penseurs de l'islam s'arrêtent tous au seuil de cette frontière infranchissable : la nature du Coran - et par conséquent, la personne du Prophète.

          Pendant des siècles, les chrétiens eux aussi ont cru que la Bible avait été dictée par Dieu à Moïse, seul auteur du Pentateuque. On sait maintenant qu'il n'en est rien. Eh bien ! Ce travail (qui fut pour nous long et douloureux), les musulmans ne l'ont pas encore commencé.
          Quelques chercheurs français s'y sont attelés : le P. Gabriel Théry ou le fr. Bruno Bonnet-Aymard (tous deux intégristes catholiques, ce qui ne retire rien à l'intérêt de leurs travaux). Et plus récemment M. Marie-Édouard Gallez. J'ai longuement travaillé et retravaillé leurs ouvrages, confidentiels et difficiles à trouver. Le résultat est à la fois stupéfiant, et riche d'un immense espoir.

IV. Vous avez dit "dialogue" ?

         Stupéfiant, parce qu'il montre la distance qu'il y a entre la légende musulmane et la réalité du texte. La même distance, tout compte fait, qu'il y avait entre la vieille idéologie chrétienne et la réalité de l'Ancien Testament ou des Évangiles.
          Riche d'espoir, parce qu'il permet - enfin - de faire le tri dans les paroles du Coran. Et parce qu'on découvre que l'auteur a été un arabe converti au judaïsme rabbinique du VII° siècle, avant de rencontrer des hérétiques du christianisme (les nazoréens, souvent cités dans le Coran). Que dans le Coran se mélangent les eaux de ce judaïsme et de ce christianisme particuliers et marginaux. Que la violence, et l'appel à la violence, qui parcourent tout le texte viennent à la fois de ses sources juives rabbiniques, et du tempérament d'un homme, son auteur.
          Entreprendre l'éxégèse historico-critique du Coran, ce serait trouver le chemin d'un véritable dialogue entre juifs, musulmans et chrétiens. Ce serait faire la part des choses, comme nous avons su le faire pour l'Ancien Testament, comme on est en train de le faire (bien discrètement !) pour les Évangiles.

          Tant que ce travail ne sera pas entrepris ouvertement et publiquement, il n'y aura pas de dialogue possible entre islam et christianisme, entre monde musulman et Occident. On se contentera de discourir gravement sur le port du voile, l'application de la Cha'aria, la communauté de foi au même Dieu - mais... est-ce bien le même ?
          Faute de vrai dialogue, on se repliera sur la tolérance.
          On tolère ce qu'on ne peut pas éviter. On tolère des enfants turbulents, une rage de dents, des voisins incivils, l'énergie nucléaire, que sais-je... On tolère, mais on n'accepte pas profondément ce qu'on tolère. On supporte l'insupportable.
          Quand on tolère, on "fait avec", on s'en accomode tant bien que mal, pour éviter l'affrontement.
          La tolérance n'est pas le dialogue. La tolérance, c'est l'aveu de l'échec du dialogue.

          Pour que naisse un dialogue inter-religieux avec les musulmans, il faudra qu'ils s'engagent dans le long chemin qui fut celui des chrétiens vis-à-vis de leur propre "révélation"


          I have a dream ! Que des chrétiens (qui auraient vraiment digéré leur mutation) s'assoient à côté de musulmans. Qu'ils leur disent combien ce fut difficile pour eux, mais aussi immensément profitable. Quelle paix profonde provoque la redécouverte du visage de ceux qui ont transmis des textes, devenus sacrés.

Et qu'aucun texte n'est "sacré" : tout texte "sacré" n'a qu'une mission : nous conduire à Celui qui est au-delà des mots.
          I have a dream ! En verrai-je le commencement, avant de mourir ?

                                     M.B., 1° mai 2008


http://michelbenoit17.over-blog.com/article-19208523.html

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  • : Eva pour la communion des civilisations
  • : Eva est une femme de paix, de consensus, s'opposant au "choc de civilisations", prônant la tolérance, le dialogue et même la communion de civilisations. Elle veut être un pont fraternel entre les différentes religions monothéistes. Elle dénonce les fondamentalismes, les intégrismes, les communautarismes sectaires et fanatiques, repliés sur eux, intolérants, va-t-en-guerre, dominateurs, inquisiteurs, haineux, racistes, eugénistes, impérialistes.
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