Actualité récente : la semaine de l’unité
Réflexion sur l’unité des Chrétiens et la démarche oecuménique.
Que tous soient un !
Réponse à une blogueuse chrétienne, membre de la communauté « religions en liberté », et quelque peu déçue par l’oecuménisme…
La démarche oeucuménique part d’une intention généreuse et d’un ressenti juste : la division actuelle des Chrétiens est une souffrance et un contre-témoignage. Peut-on se réclamer du Christ Jésus et ne pas se sentir profondément blessé par ces ruptures et ces rivalités entre frères ? Peut-on se réclamer du Christ Jésus et ne pas aspirer du fond du cœur à la réconciliation et au rassemblement de la grande famille chrétienne ?
Je suis personnellement convaincu que la plupart des croyants investis dans la démarche œcuménique sont sincèrement désireux de retisser des liens entre frères divisés. Cependant, quelque chose semble ne pas « fonctionner » et l’œcuménisme nous apparaît aujourd’hui comme entré dans une sorte d’impasse. L’enthousiasme de beaucoup de cœurs c’est refroidit et le doute pointe son nez… Que se passe-t-il ?
L’unité des Chrétiens n’est pas une option, il s’agit de la volonté même de Dieu. Mais de quelle unité s’agit-il ?
Selon l’apôtre Jean, Jésus a lui-même prié pour l’unité de ceux qui croient en lui :
« Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité. Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. Pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité. Je ne prie pas pour eux seulement, mais aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi, afin que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes un: moi en eux et toi en moi, afin qu’ils soient parfaits dans l’unité, et que le monde reconnaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. » (Jean 17, 17-23)
Dans la prière rapportée par Jean, Jésus n’évoque pas cette unité en terme d’institution, de système, encore moins en terme de pouvoir. Jésus évoque l’unité en termes spirituels.
Les disciples doivent être unis tout comme Jésus est uni à son Père. Jésus évoque l’unité en termes d’amour, de relation, de sanctification, de perfection et d’engagement missionnaire. Il s’agit d’être un, comme Jésus et le Père sont un. Cette unité ne vient pas d’une unification organisationnelle ou dogmatique. Jésus est un avec son Père car il L’aime. Il est un avec son Père car, tout comme le Père, il aime les hommes. Jésus est un avec son Père, car il met sans cesse ses pas dans ceux du Père (RA 2/12). C’est le sens du propos rapporté par Jean : « le Fils ne peut rien faire de lui-même, qu’il ne le voit faire au Père; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement. » (Jean 5,19).
C’est en faisant la volonté de Dieu, en étant parfait – dans une dynamique d’évolution créatrice, dans une tension permanente vers la perfection, la sainteté pour reprendre une expression biblique - à l’image et ressemblance de Dieu, tout comme Jésus, que les disciples de Jésus fondent leur unité et sont reconnus comme disciples. A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples: si vous avez de l’amour les uns pour les autres (Jean 13,35).
Soyons lucides, les divisions entre Chrétiens ont contribué à éloigner les hommes de la foi et de Dieu, elles ont été facteur de scandale au sens biblique (Matthieu 18,6). Quelle espérance crédible peuvent susciter des hommes et des femmes qui prêchent la fraternité et l’amour, mais s’opposent, se méprisent, voire se déchirent ? Les premières séparations entre églises d’orient et d’occident après le concile de Chalcédoine (451), le grand schisme entre Chrétiens orthodoxes et catholiques romains (1054), les ruptures de la Réforme entre Catholiques et Protestants (à partir du 16ème siècle), les nombreuses scissions au sein même de ces trois grands groupes, les rivalités et parfois les guerre qui en ont résulté, l’exclusion ou la persécution des minorités atypiques ou simplement contestataires (les courants considérés comme « hérétiques » dès le second siècle, les ariens et autres chrétiens unitariens pratiquement depuis l’origine, les cathares, les vaudois, les anabaptistes, les églises considérées comme « sectes » aujourd’hui uniquement parce qu’elles sont très minoritaires numériquement ou dans leurs orientations théologiques, etc.)… la liste est longue des divorces et des luttes fratricides qui ont morcelé la foi chrétienne et meurtri la fraternité.
Le bon sens et l’amour nous font naturellement aspirer au rassemblement. Mais de quel rassemblement s’agit-il ?
Premièrement, un rassemblement de fraternité vraie, vivante, librement consentie et portée par la base, non un rassemblement contraint par des alliances d’appareils ou des centralisations administratives décidées par des instances.
Deuxièmement, un rassemblement reconnaissant la diversité des sensibilités et des expériences, non une unification niveleuse et uniformisante. Le christianisme a été divers dés son origine, cela n’est aucunement un problème en tant que tel. Cela devient un problème lorsque les variations de sensibilité ou de compréhension tracent des frontières ou sont matière à conflit et à rejet.
Troisièmement, un rassemblement dans l’Esprit et l’amour, non dans les dogmes ou les formulations doctrinales qui ont toujours débouché, l’histoire du christianisme le montre, sur de nouvelles tensions et scissions. Ce n’est pas « par la tête » mais « par le cœur » que l’unité peut naître.
Un exemple parmi d'autres : Les débuts du Renouveau charismatique ont montré que l’unité vécue émergeait spontanément dans la simplicité du cœur, le recentrage sur l’essentiel et l’ouverture à l’Esprit. Malheureusement, certaines démarches d’unité spontanée de Chrétiens de confessions diverses ont été freinées, voir découragées par les administrations religieuses… sous prétexte de « discernement » et de refus de la confusion. Est-ce de la confusion que d’aimer son frère avec simplicité et de vouloir surmonter, au nom de cet amour, les divisions doctrinales inutiles et les obstacles hérités de traditions culturelles et de concepts intellectuels qui ne viennent pas de l’Evangile ?
Trop souvent les appels au « discernement » et à la prudence vis à vis de la « confusion » cachent de la peur, en particulier la peur de perdre le contrôle des fidèles. Ces arrières pensées affaiblissent considérablement la dynamique œcuménique dans ce qu’elle a des généreux et de sincère et peuvent finir par la tuer. C’est pourquoi Dieu dit dans la Révélation d’Arès : la mort serre le nez des fils unis [XXXII /3]. Le déclin de l’œcuménisme institutionnel est fatal, il doit être remplacé par la fraternité simple vécu dans la liberté et l’intelligence du cœur.
Pour aboutir, une démarche de rassemblement et d’unité doit mettre en œuvre, outre une dynamique de liberté dans l’Esprit et une reconnaissance positive de la diversité des richesses, une volonté ferme d’en finir avec l’esprit d’exclusive et la volonté d’unification formelle (institutionnelle). Précisons :
- D’une part, une démarche de fraternisation et de rassemblement entre disciples de Jésus ne peut être féconde que si chacun des courants de foi concernés renonce sincèrement et définitivement à toute hégémonie sur l’ensemble du Peuple chrétien. Nulle église, nulle chapelle, ne doit partir du principe que l’unité doit se faire « sous son chapiteau » exclusif. Au contraire, cette démarche ne peut vivre que si chaque église ou sensibilité spirituelle reconnaît pleinement l’autre sensibilité comme une composante légitime de la famille chrétienne et l’accueille comme telle, sans arrière pensée de conversion ou de domination. Il faut impérativement en fini avec les « complexes de supériorité » des uns et des autres. Cela implique que chaque église doit cesser de se considérer comme l’Eglise – avec un grand E - et cesser de considérer les autres églises comme des voies d’erreur, de déviance ou pire, de perdition. Cela implique que chaque église reconnaisse humblement et durablement qu’elle n’a pas le monopole de la Vérité – avec un grand V -, la vérité plénière étant possession exclusive de Dieu.
- D’autre part, une démarche de rassemblement vivante doit se fonder sur des liens de fraternité patiemment tissés par la base croyante en acceptant sans crainte la diversité des fonctionnements collectifs, des vécus d’assemblée et des expérimentations communautaires. Toute organisation, toute structure héritée de l’histoire doit se considérer comme relative, transitoire, dépassable. Aucune forme ne doit être décrétée seule acceptable ou praticable, considérée comme indépassable ou pire sacralisée. Aucune forme (modalité d’organisation, de concertation, de prise de décision…) n’est sacrée. Les formes ne sont que des outils et tout outil peut se révéler inadapté à un moment ou à un autre et se voir remplacé par un autre… Enfin, nous devons comprendre que l’unité n’est pas la résultante d’une centralisation et d’une normalisation (imposition de normes) mais plutôt l’harmonisation de la diversité dans la liberté. La liberté chrétienne ne doit pas être formatée et contrôlée par une institution mais orientée, modérée et régulée par l’Esprit, volontairement accueilli et la Parole, volontairement mise en œuvre par chacun et chacune. Pourquoi ? Parce que c’est librement que Jésus s’est ouvert à l’Esprit et a assumé la Volonté du Père. C’est librement qu’il a vécu l’unité avec le Père. Par conséquent, c’est librement que ses disciples accueillent Dieu à sa suite et vivent la fraternité et l’unité. L’unité des Chrétiens n’est viable que si elle prend pour modèle et fondation l’unité entre Jésus et son Père (cela ressort clairement de la prière rapportée par Jean citée en introduction de ce texte).
Enfin, une démarche d’unité ne peut se fonder sur des bases saines et prometteuses que si chaque église ou chaque courant de foi cesse de considérer les autres comme responsables des divisions du passé et accepte de reconnaître d’abord ses erreurs et ses fautes. Il s’agit pour chaque église, chaque confession, de retirer la poutre dans son œil d’abord et de renoncer à tout jugement, à tout procès historique. Une dynamique d’unité ne peut être qu’une dynamique de pardon réciproque et d’espérance active où chacun se tourne vers l’avenir avec confiance, renonce à « régler les comptes » du passé. Ainsi, bien davantage qu’une question d’organisation ou de modalité pratique, la question de l’unité est une question de conversion en profondeur à l’évangile et particulièrement à ces exigences de non jugement et de pardon.
L’unité en Dieu n’est pas une unification de structure ou de formulation doctrinale, c’est une harmonie plurielle et souple, une unité de complémentarité féconde, active, dynamique, vécues dans l’amour évangélique (lequel n’est pas nécessairement un amour sentimental ou d’affinité spontanée). Il s’agit de bien autre chose que le simple « respect » ou la simple « tolérance ». Il s’agit de relever le « défi évangélique » dans nos vies pour surmonter les obstacles à la fraternité. Il s’agit aussi d’entrer en relation avec l’autre croyant dans un esprit de partage et d’enrichissement pour un dépassement commun : Catholiques, orthodoxes, protestants de toutes obédiences, ainsi que les minorités marginalisées par l’histoire mais qui ont aussi leur richesse propre, ont beaucoup à apprendre les uns des autres pour progresser ensemble vers Dieu.
Utopie ? Folie ? Mais alors toute la Parole de Dieu est une utopie et une folie… Peut-on se dire Chrétien sans être un peu utopiste et un peu fou ?
A l’origine de ce texte, lire «Un oecuménisme timide» : http://et-si-c-etait-vrai.over-blog.fr/article-15956444-6.html
Voir aussi pour info l’«arbre des religions chrétiennes» sur le site « chrétiens ensemble ». http://www.chretiensensemble.com/oecumenisme/arbredesreligions.php
http://le-jardin.over-blog.net/article-16434441.html