Eva est une femme de paix, de consensus, s'opposant au "choc de civilisations", prônant la tolérance, le dialogue et même la communion de civilisations.
Elle veut être un pont fraternel entre les différentes religions monothéistes. Elle dénonce les fondamentalismes, les intégrismes, les communautarismes sectaires et fanatiques, repliés sur eux, intolérants, va-t-en-guerre, dominateurs, inquisiteurs, haineux, racistes, eugénistes, impérialistes.
Formé de Palestiniens, d’Israéliens et de musiciens d’origine arabe, leWest-Eastern Divan Orchestraétait hier à Paris pour l’ultime concert de sa tournée qui se déroule chaque été depuis 1999, année où le chef d’orchestreDaniel Barenboimet son ami l’écrivain Palestinien Edward Saïd (décédé en 2003) ont fondé cette formation unique au monde.
Lundi 25 août, Salle Pleyel, Barenboim et le Divan Orchestra (du nom d’un recueil de poème de Goethe) ont connu un triomphe : un bon quart d’heure d’applaudissement qui saluaient tout autant l’événement que la qualité musicale de l’orchestre dans un programme difficile et symbolique : les « Variations pour orchestre n°31 » de Schönberg et le premier acte de la « Walkyrie » de Wagner où l’énergie, l’engagement et le puissant sens dramatique des musiciens ont fait merveille.
Daniel Barenboim, l’homme aux quatrepasseports(israélien, argentin espagnol et palestinien) a congratulé et embrassé chaque musicien avant de s’adresser au public : « Nous n’avons pas de ligne politique, mais nous sommes la troisième voie car il n’y a pas de solution militaire à notre conflit. Cet orchestre, c’est un projet contre l’ignorance qui engendre la haine de l’autre. Nous voulons jouer dans tous les pays qui sont représentés par les musiciens de l’orchestre : à Damas, à Beyrouth, au Caire, à Téhéran. Aidez-nous ! »
Enfant prodige, il donne son premier concert en tant que pianiste à Buenos Aires à l'âge de sept ans. Son père est alors et restera longtemps son professeur depiano.
En1952, il s'installe enIsraëlavec ses parents, juifs d'origine russe (son nom est la graphieyiddishde l'allemand Bachenbaum), .
Au début desannées 1960, il joue avec le vieux maîtreOtto Klempereret enregistre avec lui ses premiers disques pourEMI : le 25e concerto deMozartet l'intégrale des concertos deBeethoven. Puis il devient chef de l'English Chamber Orchestraen 1965 et enregistre, en dirigeant du piano, l'intégrale des concertos de Mozart, une somme que certains critiques considèrent aujourd'hui encore comme la plus belle jamais gravée. À cette période, Barenboïm est un merveilleux mozartien, tant au piano qu'à la baguette, et il mêle à un élan juvénile une profondeur extraordinaire des mouvements lents sans doute en partie acquise à la fréquentation de Klemperer.
Le bonheur sera de courte durée : Jacqueline est atteinte de sclérose en plaques et doit arrêter sa carrière dès 1972. Elle décèdera en 1987.
La carrière de Barenboim semble marquée par une sorte de boulimie inextinguible de concerts, d'enregistrements et de projets. Il est chef de l'Orchestre de Parisde 1975 à 1989 où il crée un Chœur symphonique qu'il confie àArthur Oldham. Pressenti pour être le responsable artistique du nouvelOpéra Bastille, il entre en conflit avec les autorités de tutelle de l'époque et part finalement aux États-Unis diriger l'Orchestre symphonique de Chicago, poste qu'il occupe jusqu'en 2006[3], tout en menant une carrière de chef àBerlin, à la tête du Staatsoper.
Il a également créé en collaboration avecEdward Saïdune fondation visant à promouvoir la paix auProche-Orientau travers de la musique classique, initiative lui ayant attiré de violentes critiques en Israël. Ceci s'est concrétisé en un atelier musical et un orchestre israélo-arabe : l'Orchestre Divan occidental-oriental.
En2006, il est lauréat du prestigieuxPrix Ernst von Siemens, considéré comme le « Nobel de la musique ».
Son répertoire immense s'étend deBach, dont il a gravé une des plus puissantes versions des Variations Goldberg, à lamusique contemporainedont il est un ardent défenseur. Ainsi a-t-il créé de nombreuses œuvres dePierre BoulezouHenri Dutilleux, par exemple. Il est aussi un grand chef d'opéra, notamment àBayreuthoù il dirigera pendant les vingt dernières années du XXe siècle, mais aussi àÉdimbourget dans de nombreux autres festivals.
Le chef d’orchestre et pianiste Daniel Barenboim, de nationalités israélienne et argentine, vient d’accepter le passeport que lui a offert le gouvernement palestinien. Il devient vraisemblablement la première personne à posséder à la fois le passeport de l’Etat d’Israël et celui de l’Etat en devenir de Palestine, même si cet Etat n’existe pas encore formellement. Un pas de plus dans l’engagement du musicien pour la paix au Proche-Orient, qui déclenche une tempête en Israël.
Daniel Barenboim n’en est pas à son premier scandale en Israël, pays où il a grandi -après être né en Argentine en 1942- et où il est "chez lui". Brillant pianiste et chef d’orchestre des plus prestigieuses phalanges -il est aujourd’hui directeur à vie de la Staatskappelle de Berlin-, il aurait pu poursuivre sa carrière de musicien en fermant les yeux sur le reste. Mais ce n’est simplement pas son tempérament. Intellectuel tout en étant un homme d’action pragmatique, il n’hésite pas à peser de tout son poids pour que "le cercle vicieux de la violence cesse".
Jouer Wagner en Israël: le scandale
Sa première action remonte à 1999, quand il crée le West-Eastern Divan Orchestra avec son ami l’écrivain américano-palestinien Edward Saïd. L’idée est simple: faire jouer au sein du même orchestre des Israéliens, des Palestiniens et des musiciens d’origine arabe. Et ça marche! L’orchestre s’installe chaque été en Andalousie, qui, forte de son histoire judéo-arabe, a voulu l’accueillir. Après quelques semaines de travail, les musiciens partent en tournée.
Quelle sera la victoire pour Daniel Barenboim? Le jour où l’orchestre pourra jouer dans tous les pays dont les musiciens sont originaires. Le jour où, par exemple, un jeune hautboïste israélien obtiendra un visa pour la Syrie.
Mais quelle est déjà la victoire? Celle de voir un Israélien et un Palestinien se partager le même pupitre, et celle de voir naître entre eux, pour la première fois, quelque chose qui n’est plus de la haine.
Ecoutez-les, dirigés par Barenboim:
Adagio des Variations Enigma d’Elgar. West-Eastern Orchestra dirigé par Barenboim (Warner Classic)
Si cet orchestre n’est pas forcément du goût des autorités israéliennes, il ne provoque cependant pas le tollé qu’a fait naître Daniel Barenboim en dirigeant en bis le Prélude de "Tristan" de Wagner, en 2001, en Israël…
Proscrit dans ce pays, Wagner n’y est jamais joué en concert. Avant de donner cette pièce, Barenboim a discuté pendant trois quarts d’heure avec le public, proposant à ceux qui ne voulaient pas l’entendre de sortir. Une quarantaine de personnes ont quitté la salle, sur les 3000 présentes. Le lendemain, la Knesset a déclaré le chef d’orchestre "persona non grata" en Israël, avant de revenir finalement sur sa décision.
« Le bonheur -ou le malheur- de vivre ensemble »
Aujourd’hui, Barenboim accepte le passeport que lui donne le gouvernement palestinien:
"C’est pour moi un grand honneur, a-t-il déclaré à la suite d’un récital d’œuvres de Beethoven qu’il donnait à Ramallah. J’ai accepté l’offre parce que je crois que les destinées du peuple israélien et du peuple palestinien sont inextricablement liées. Nous avons le bonheur -ou le malheur- de vivre ensemble. Je préfère le premier au second".
Difficile aujourd’hui de mesurer précisément la portée de ce geste. Mais difficile aussi d’imaginer que la puissance du symbole -le passeport de l’ennemi!- ne fera pas bouger les lignes. C’est ce que Barenboim voulait. Mission accomplie.
► Disques du West-Eastern Divan Orchestra dirigé par Daniel Barenboim:
-Live in Berlin: Symphonie n°9 de Beethoven -The Ramallah Concert: Symphonie Concertante de Mozart, Symphonie n°5 de Beethoven -Symphonie n°5 de Tchaïkovski, La Valse triste de Sibelius
En DVD:-Knowledge is the beginning: film sur l’orchestre accompagné du concert de Ramallah
► Livre d’entretien entre Daniel Barenboim et Edward Saïd: Parallèles et paradoxes, Le serpent à plumes (2002)