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Eva est une femme de paix, de consensus, s'opposant au "choc de civilisations", prônant la tolérance, le dialogue et même la communion de civilisations. Elle veut être un pont fraternel entre les différentes religions monothéistes. Elle dénonce les fondamentalismes, les intégrismes, les communautarismes sectaires et fanatiques, repliés sur eux, intolérants, va-t-en-guerre, dominateurs, inquisiteurs, haineux, racistes, eugénistes, impérialistes.

Benoït XVI saura-t-il éviter le piège du "choc des religions" ?

Image:Hattin.jpg
http://fr.wikipedia.org/wiki/Image:Hattin.jpg

Benoît XVI en Turquie

Le spectre des croisades

Le pape veut délivrer un message de paix mais sans renoncer à ses critiques sur la violence de l’islam.

Saura-t-il éviter le piège du « choc des religions » ?


 

Bien avant de quitter le Vatican, Benoît XVI savait que son voyage ne serait pas de tout repos. Il y a une semaine, le 22 novembre, une centaine de « loups gris » occupaient l’église Sainte-Sophie pour protester contre sa venue. Au même moment, la formation islamiste Saadet mais aussi des nationalistes anti-européens décidaient de manifester au moment de sa visite à l’appel de : « Non au pape. Allah seul est grand » ; « Non aux croisés » ; « Ce pape faux et ignorant n’est pas le bienvenu ». Nul doute que le pape avait aussi en mémoire, avant de s’envoler vers l’ancienne Constantinople, la tentative d’assassinat contre le pape Jean-Paul II en 1981. L’homme qui avait voulu l’abattre était un « loup gris » turc nommé Mehmet Ali Agça.

Malgré tout, le souverain pontife a maintenu son voyage. Ce déplacement, explique-t-on au Saint-Siège, était programmé de longue date. Comme une démarche anodine : le chef des catholiques, jadis baptisé « patriarche d’Occident », devait tout simplement se rendre à Cons-tantinople pour rencontrer son homologue orthodoxe Bartholomée Ier, patriarche de cette ville et appelé autrefois « patriarche d’Orient ». Titre évidemment disproportionné puisque les orthodoxes en Turquie représentent seulement 32 000 âmes. Benoît XVI tenait pourtant à cette reprise du dialogue (le schisme entre les deux Eglises remonte à 1054 !), amorcée par son prédécesseur Jean-Paul II. Et les diplomates du Saint-Siège se réjouissaient en imaginant la photo officielle des deux « patrons » des deux Eglises dissidentes depuis près d’un millénaire.


Mais un vrai frisson a commencé à parcourir les chancelleries occidentales après la « gaffe de Ratisbonne » du 12 septembre : Benoît XVI avait alors déploré l’utilisation de « l’épée » par Mahomet pour imposer sa religion. Malgré les mille regrets et mille démarches vaticanes qui ont tenté par la suite d’atténuer le coup fatal porté au dialogue avec l’islam, un ressentiment est resté. En Turquie spécialement, à 99% musulmane, où une partie de la population voit l’arrivée du souverain pontife comme une provocation, à quelques mois des élections, et où les islamistes modérés à la Erdogan sont mis au pied du mur par les extrémistes. D’ailleurs l’alliance entre les « nationalistes » anti-européens du Parti de la Grande Union et les fanatiques de Saadet, qui ont appelé à manifester ensemble contre le pape, n’est pas un rapprochement dangereux seulement pour le sort électoral de Recep Erdogan mais aussi pour l’avenir de la négociation sur l’entrée de la Turquie en Europe. Benoît XVI est donc dans un imbroglio politique qui n’a pas grand-chose à voir avec sa fonction religieuse. On pourrait presque dire que sous sa houlette et, sans qu’il l’ait voulu explicitement, son magistère tend de plus en plus à ressembler au magistère des imams, qui, eux, ont toujours mélangé le religieux et le politique.
…
La curie continue de soutenir qu’elle a confiance dans la capacité des autorités turques à maîtriser l’ordre public. « Il ne faut pas surévaluer ces épisodes d’intolérance », souligne le porte-parole du pape, padre Lombardi. Benoît XVI ne verra aucune autorité politique (le Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères et celui des Affaires religieuses ont boycotté son voyage). Les organisateurs ont tout fait pour lui éviter les contacts avec la foule. Jusqu’à la fin du périple, il devrait se contenter de passer en voiture blindée dans une Istanbul déserte.
 

Reste une inconnue. Quelles seront les réactions en Turquie et ailleurs face aux propos tenus par le pape ? Certes, il enrobera ses propos, mais le fond de son discours (en particulier sur la violence) restera le même. « Il plaidera en fait pour le dialogue, j'en suis sûr, dit pourtant le cardinal Achille Silvestrini, dans la lignée de Jean-Paul II. » Mais le « pape polonais » avait l’art de mettre à l’aise ses interlocuteurs, avec sa grande chaleur, sa communicabilité et sa gestualité. Même si les résultats ne furent pas à la hauteur de ses efforts. Le « pape allemand », lui, n’a ni chaleur ni communicabilité, et pratique l’art subtil de mettre les points sur les « i ». De dire donc ce qu’il croit. Or il croit sincèrement que les conditions du dialogue avec l’islam, même s’il faudra des siècles pour y parvenir, exigent le renoncement préalable à toute violence.

Peut-être ne se rend-il pas vraiment compte que les temps historiques, et non bibliques, que nous vivons risquent de l’impliquer dans une espèce de croisade. Qui est en plus une aubaine pour les fondamentalistes islamiques anti-européens.

 

 

Marcelle Padovani
Le Nouvel Observateur

http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2195/dossier/a325746-le_spectre_des_croisades.html

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